• Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle…

    by  • 2 décembre 2015 • Poème quotidien • 0 Comments

     

    Repas d'une vieille fileuse - Quirijn van Quirijn (1622 - 1669)

    Repas d’une vieille fileuse – Quirijn van Quirijn (1622 – 1669)

    Pour Hélène de Surgères

    Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,

    Assise aupres du feu, devidant et filant,

    Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :

    Ronsard me celebroit du temps que j’estois belle.

     

    Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,

    Desja sous le labeur à demy sommeillant,

    Qui au bruit de mon nom ne s’aille resveillant,

    Benissant vostre nom de louange immortelle.

     

    Je seray sous la terre et fantaume sans os :

    Par les ombres myrteux je prendray mon repos :

    Vous serez au fouyer une vieille accroupie,

     

    Regrettant mon amour et vostre fier desdain.

    Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :

    Cueillez dés aujourd’huy les roses de la vie.

     

    Pierre de Ronsard – Second livre des Amours, 1578

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    Extrait du Petit Livre des grands écrivains, paru aux éditions First en 2007 : 

    Pierre de Ronsard

    La Possonnière, 1524 – Saint-Cosmes en l’Île, 1585

     

    Mignonne, allons voir si la rose / Qui ce matin avait déclose / Sa robe de pourpre au soleil / A point perdu ceste vesprée / Les plis de sa robe pourprée / Et son teint au vostre pareil… (Ode « À sa maîtresse »)

    Mignonne ? Qui donc est cette mignonne qu’on interpelle lorsqu’on récite les premiers vers de  l’ode « À sa maîtresse » ? Mignonne… séduisante, élégante, fine, belle, et fort gracieuse, elle s’appelle Cassandre Salviati. C’est la fille d’un banquier italien. Elle a treize ans, lorsque Ronsard, vingt et un ans, la voit pour la première fois en 1545, à Blois, lors d’une fête donnée en l’honneur du roi.

    Le poète s’enflamme, échafaude mille et un projets – malgré une surdité quasi-totale, due à des otites répétées… Hélas, l’année suivante, la belle Cassandre épouse un bon parti en la personne de Jacques de Peigné, seigneur de Pray.

    Qu’importe ! Ronsard continue de l’aimer, mais platoniquement. Mieux, il fait de sa douleur d’amant déçu un fertile terreau sur lequel poussent odes imitées de l’antique et sonnets importés d’Italie.

    À la façon de Pétrarque (1304 – 1374) et de son amour malheureux pour Laure, Ronsard va faire se succéder dans ses odes, sonnets ou autres formes poétiques, des Marie, ou des Hélène qui, repoussant ses ardeurs, le transforment en prince des poètes (c’est ainsi que, modestement, il se présente lui-même…)

    Mais Ronsard n’est pas que cet amoureux en échec, c’est surtout un passionné de culture grecque et latine, un poète de cour, l’ami des rois Henri II, Charles IX et Henri III. C’est le fondateur d’une brigade de jeunes poètes décidés à rénover la poésie, à lui offrir pour support une langue française enrichie des centaines de mots tout neufs qui lui manquent pour rivaliser avec le latin ! La brigade qui rassemble sept poètes devient, en 1563, la Pléiade, en référence aux sept filles d’Atlas changées en constellation, dans la mythologie.

    Ronsard meurt le 27 décembre 1585, en son prieuré de Saint-Cosme, près de  Tours, après avoir terminé la troisième édition de ses œuvres complètes. Il était né le 1er septembre 1524 au manoir de La Possonnière, non loin de Vendôme, dans le Loir-et-Cher.

    L’un de ses derniers sonnets se termine ainsi : « Adieu chers compagnons, adieu mes chers amis / Je m’en vais le premier vous préparer la place »

     

    Les irrésistibles

     

    Le Premier Livre des odes – 1550

    Les amours de Cassandre – 1552

    Les amours de Marie – 1555

    Les hymnes – 1555

    La Franciade (poème inachevé)  – 1572

    Sonnets pour Hélène – 1574

     

    Citons l’auteur

     

    Cueillez, cueillez votre jeunesse / Comme à cette fleur la vieillesse / Fera ternir votre beauté – Ode « À sa maîtresse »

    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010 : 

    Ce qu’ils en ont dit :

    Sa langue est trop luxuriante – Malherbe (1555 – 1628)

    Ronsard a écrit de pitoyables poésies – Le Grand Arnauld (1612 – 1694), prédicateur janséniste

    Ronsard, […] par une autre méthode, /  Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode, /  Et toutefois longtemps eut un heureux destin. / Mais sa Muse, en français parlant grec et latin, / Vit, dans l’âge suivant, par un retour grotesque, / Tomber de ses grands mots le faste pédantesque. / Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut, / Rendit plus retenus Desportes et Bertaut. / Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, / Fit sentir dans les vers une juste cadence… – Nicolas Boileau (1636 – 1711) 

    Ronsard gâta la langue en transportant dans la langue française les composés grecs dont se servaient les philosophes et les médecins – Voltaire (1694 – 1778)

    Il tapait comme un sourd sur la pauvre langue française – Jules Michelet (1798 – 1874) dans son Histoire de France

    C’est plus grand que Virgile, et ça vaut Goethe – Gustave Flaubert (1821 – 1880)

    On a trop vu l’amour alimenter sa poésie ; sa majeure source d’inspiration, c’est l’ivresse, une ivresse mythologique, philosophique, d’un christianisme qui s’allie étrangement au paganisme. – André Gide (1869 – 1951)

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