« Dans le baba », dictée pour les Nuls, Nancy, 13 septembre 2015
by jjj • 13 septembre 2015 • Les dictées JJJ • 2 Comments
Dictée pour les Nuls, dimanche 13 septembre 2015, Nancy
Dans le baba
« Machinalement, accablé par la morne journée, je portai à mes lèvres une cuillerée de thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis… »
On se délecte à la lecture de ces lignes écrites par Marcel Proust, mais sait-on que la madeleine en question a été créée à Commercy en Lorraine, par une jeune fille nommée Madeleine, en mille sept cent cinquante-cinq, afin que fût régalé le roi Stanislas 1er ?
Fin de la dictée juniors
Grand gourmand, ce roi sybarite, hédoniste en diable, et sa pâtissière, se sont laissés aller à leur imagination pour que muent vers des apogées inégalés certaines pâtisseries. Ainsi, le kouglof, jugé trop sec, a été arrosé de liqueur de tanaisie jaune paille, de vin de Tokay ou pinot gris, puis baptisé baba. Plus tard, dans le baba, se sont ajoutés des raisins muscats et du cédrat confit. D’aucuns ont prétendu que Stanislas 1er était édenté, que c’était en quelque sorte un « sans dents » et qu’il fallait qu’on imbibât son baba pour qu’il l’avalât sans bobo. C’est faux !
Stanislas 1er, père de Marie Leszczynska, reine de France, sans être éthylique, avalait chaque jour moult casse-poitrine à base de quetsches, de schnaps, provoquant d’hiémaux sommeils et, sur ses joues, comme si elles eussent été frottées au cynorrhodon, des érythèmes qu’a su restituer son portraitiste.
Fin de la dictée amateurs
Stanislas se gobergea-t-il de trop de babas alcoolisés ? Peut-être, car, un soir d’hiver, méditant et pyrrhonisant près de sa cheminée, il chut sur son coccyx, ses vêtements et son corps s’enflammèrent, il en mourut.
Depuis, les feus Stanislas et Marie – qui inventa, quant à elle, la bouchée à la reine – brillent dans nos souvenirs, et leur créativité culinaire immarcescible nous laisse babas !
Jean-Joseph Julaud
Phrase-torpille (signée Julien Soulié)
Que se seraient dit le petit Marcel et ses thuriféraires, prompts au panégyrique et au dithyrambe, face à la gastronomie et aux produits d’hui ? Tremper son baeckeofe dans du schiedam et ses matefaims dans du phô ? Arroser sa marennes de nuoc-mâm et prendre le maki avec un côte-de-nuits-villages ? De quoi pleurer… comme une Madeleine !
Fin de la dictée experts
Correction
Dictée pour les Nuls, dimanche 13 septembre 2015, Nancy
Dans le baba
« Machinalement, accablé par la morne journée, je portai à mes lèvres une cuillerée de thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine (avec une minuscule, forcément). Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis … »
On se délecte à la lecture de ces lignes écrites par Marcel Proust, mais sait-on que la madeleine en question a été créée à Commercy en Lorraine, par une jeune fille nommée Madeleine, en mille sept cent cinquante-cinq, afin que fût régalé (subjonctif imparfait) le roi Stanislas 1er ?
Fin de la dictée juniors
Grand gourmand, ce roi sybarite (sensuel, jouisseur, voluptueux), hédoniste (partisan de la recherche du plaisir) en diable, et sa pâtissière, se sont laissés aller (ils ont laissé qui ? « se », complément d’objet direct placé avant, on accorde : laissés) à leur imagination pour que muent vers des apogées inégalés (un apogée, masculin) certaines pâtisseries. Ainsi, le kouglof (ou kougelhof) jugé trop sec a été arrosé de liqueur de tanaisie (plante herbacée appelée aussi barbotine) jaune paille (pas de trait d’union), de vin de Tokay ou pinot gris, puis baptisé baba. Plus tard, dans le baba, se sont ajoutés des raisins muscats (pluriel obligatoire) et du cédrat confit. D’aucuns ont prétendu que Stanislas 1er était édenté, que c’était en quelque sorte un « sans dents » (ou sans-dents, avec un trait d’union) et qu’il fallait qu’on imbibât (subjonctif imparfait) son baba pour qu’il l’avalât (subjonctif imparfait) sans bobo (tolérer le pluriel « bobos »). C’est faux !
Stanislas 1er, père de Marie Leszczynska, reine de France, sans être éthylique, avalait chaque jour moult casse-poitrine (ou casse-poitrines) à base de quetsches, de schnaps, provoquant d’hiémaux (hiémal se dit de ce qui appartient à l’hiver, qui se produit en hiver) sommeils, et, sur ses joues, comme si elles eussent été frottées au cynorrhodon (ou cynorhodon, cynorodon), des érythèmes qu’a su restituer son portraitiste.
Fin de la dictée amateurs
Stanislas se gobergea-t-il de trop de babas alcoolisés ? Peut-être, car, un soir d’hiver, méditant et pyrrhonisant (se livrant au scepticisme philosophique, doctrine de Pyrrhon, philosophe grec, 360–275 av. J.-C.) près de sa cheminée, il chut sur son coccyx, ses vêtements et son corps s’enflammèrent, il en mourut.
Depuis, les feus (accord de « feu » car il est placé entre l’article et le nom) Stanislas et Marie – qui inventa, quant à elle, la bouchée à la reine – brillent dans nos souvenirs, et leur créativité culinaire immarcescible (ou immarcessible, variante dans Robert) nous laisse babas !
Jean-Joseph Julaud
Phrase-torpille de Julien Soulié : Fin de la dictée experts
Que se seraient dit le petit Marcel et ses thuriféraires (un thuriféraire est un flatteur), prompts au panégyrique et au dithyrambe, face à la gastronomie et aux produits d’hui (aujourd’hui ; ce « hui » figure dans le Robert) ? Tremper son baeckeofe (ou bäckeofe ou baeckeoffe, plat alsacien, prononciation : bec- e- o – fe)
dans du schiedam (eau-de-vie au genièvre) et ses matefaims (un matefaim est une crêpe très épaisse) dans du phô (soupe vietnamienne) ? Arroser sa marennes (huître élevée à Marennes) de nuoc-mâm (ou nuoc-mam) et prendre le maki (sorte de sushi) avec un côte-de-nuits-villages ? De quoi pleurer… comme une Madeleine (avec un « m » majuscule, forcément) !
Fin de la dictée expert
Gagnants
Juniors
1 – Noé Vagner
2 – Eloïse Urion
3 – Anna Colin
Amateurs
1 – Anne-Marie Denninger
2 – Olivier Gleises
3 – Anne-Marie Broutin
Experts
1 – Martine Dissaux
2 – Clément Bohic
3 – Jean-Claude Bossut
Bravo au rédacteur, à Julien pour ses chausse-trapes, et à nos experts : Martine, Jean-Claude et Clément !
Dernière minute : Soucieux de ne rien laisser passer, et toujours aussi brillant depuis sa récente vitrification, le parquet de Nancy vient de prononcer la mise en examen (il fallait s’y attendre) du sieur Julien Soulié pour usage de phô dans le test subsidiaire de la dictée pour les Nuls du dimanche 13 septembre 2015.