• Je sais que l’an dernier, un jour, le douze mai…

    by  • 12 mai 2015 • Poème quotidien • 0 Comments

    Mon regard ébloui...

    Mon regard ébloui…

     Le vrai Cyrano de Bergerac

    Le vrai Cyrano de Bergerac

    Édmond Rostand, l’auteur de Cyrano de Bergerac, pièce en cinq actes d’amour, est né à Marseille un 1er avril 1868.

    Taches blondes

    Je t’aime, je suis fou…

    Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop ;

    Ton nom est dans mon coeur comme dans un grelot,

    Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,

    Tout le temps, le grelot s’agite, et le nom sonne !

    De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé.

    Je sais que l’an dernier, un jour, le douze mai,

    Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !

    J’ai tellement pris pour clarté ta chevelure

    Que, comme lorsqu’on a trop fixé le soleil,

    On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,

    Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes,

    Mon regard ébloui pose des taches blondes.

     

    Edmond Rostand – Cyrano de Bergerac, scène VII, 1897

     

    Voilà le genre d’irrésistibles tirades que vous allez rencontrer si vous assistez à la représentation de la pièce d’Édmond Rostand, Cyrano de Bergerac, ou si vous la lisez, la relisez jusqu’à la connaître par cœur (tant elle est faite pour lui…)

    Tant d’amour…

    Édmond Rostand (1868 – 1918) ne s’est pas embarrassé de vérité historique en mettant sur scène Cyrano que vous avez déjà rencontré au XVIIème siècle. La situation est de pure invention : Cyrano, sensible et plein d’esprit, est laid, il a un nez fort long. Il aime sa magnifique cousine Roxane qui tombe amoureuse d’un jeune homme fort beau mais bête : Christian de Neuvillette. Cyrano va proposer à Christian, sous forme de lettres et de déclarations dans l’ombre, l’esprit qui lui manque pour conquérir la belle. Le duo fonctionne parfaitement jusqu’à ce que Christian meure au siège d’Arras où est allée le rejoindre Roxane, enflammée par les lettres d’amour (de Cyrano, mais elle l’ignore…) qu’elle a reçues. La fin a fait couler à la fois l’encre fielleuse des critiques qui l’ont trouvée invraisemblable, et les larmes des spectatrices émues qui n’imaginaient pas qu’on pût donner tant d’amour !

    Et bien moins que demain…

    Représentée pour la première fois en 1897, Cyrano de Bergerac remporte un triomphe qui ne s’est jamais démenti depuis. La pièce est devenue un film en 1990, avec Gérard Depardieu, Anne Brochet, Jacques Weber – réalisé par Jean-Paul Rappeneau. On y retrouve les morceaux de bravoure qui illustrent le panache à la française, fait de déclarations qui semblent sortir d’un clairon sonnant la charge pour un rien… Vous rappelez-vous, par exemple, la célèbre tirade du nez ?… Édmond Rostand fait ensuite jouer l’Aiglon (1900), avec Sarah Bernhardt – … Et nous, les petits, les obscurs, les sans-grades / Nous qui marchions fourbus, crottés, malades… – puis Chanteclerc (1910) qui est un échec total. Il meurt le 2 décembre 1918, à Paris. Il avait pour épouse, la poétesse Rosemonde Gérard (1871 – 1953), dont il écouta toujours les judicieux conseils de femme – c’est elle qui a écrit, dans son recueil Les Pipeaux : Car vois-tu, chaque jour, je t’aime davantage / Aujourd’hui plus qu’hier, et bien moins que demain.

    Du nez…

    Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
    On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…
    En variant le ton, -par exemple, tenez
    Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
    Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
    Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
    Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
    Descriptif : « C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap !
    Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! »
    Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
    D’écritoire, monsieur, ou de boîtes à ciseaux ? »
    Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
    Que paternellement vous vous préoccupâtes
    De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
    Truculent : « Ca, monsieur, lorsque vous pétunez,
    La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
    Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? » (…)

    Édmond Rostand – Cyrano de Bergerac

    Le vrai Cyrano…

    Cyrano de Bergerac : un Parisien bon teint

    Vous croyez connaître Cyrano de Bergerac ? Vous ignorez tout de lui ! Le Cyrano dont vous rappelez avec une admiration de collégien les tirades du nez, les coups d’épée et les grandes amours partagées pour la belle Roxane, ce Cyrano-là n’a jamais existé ! C’est Edmond Rostand qui l’a créé, de toute pièce – et dans toute sa pièce en cinq actes (le dernier un peu longuet…)

    L’autre Monde

    Cyrano de Bergerac, le vrai, le Cyrano en chair et en os n’est pas Gascon pour deux sous : il est né en 1619 dans la vallée de Chevreuse sur la terre de… Bergerac ! Il ne tire son épée que rarement, se bat à Arras, vaillamment, mais sans traverser les lignes espagnoles pour aller poster son courrier… Ses écrits ? Dénaturés complètement, non seulement par Rostand, mais aussi par les surréalistes qui, au XXème siècle, ont vu en lui une espèce de fou qui écrivait un peu n’importe quoi. Pourtant, rien de plus organisé que les œuvres de Cyrano, rien de plus inspiré, de plus étonnant, de plus audacieux à ce moment précis de la littérature : à travers son roman utopique États et empires de la Lune ou l’Autre Monde, ses convictions, dangereuses à l’époque, et qui pouvaient lui valoir le bûcher, annoncent les philosophies modernes.

     

    Qu’allait-il faire dans cette galère ?

    Non, ce n’est pas Molière qui a inventé cette réplique fameuse qu’on entend dans Les Fourberies de Scapin – signées Molière ! La question répétée : Qu’allait-il faire dans cette galère ? est tirée de la pièce de Cyrano de Bergerac Le Pédant joué. Il s’agit d’une comédie satirique où un docteur d’université – Grangier – , stupide et borné est brocardé de la belle façon ; son valet invente l’enlèvement de son fils par les Turcs qui le retiennent prisonnier sur une galère où il s’est rendu. D’où cette question : Qu’allait-il faire dans cette galère ? – le terme galère survivant aujourd’hui dans nombre d’expressions, filles de la réplique de Cyrano !

    Si proche de nous…

    Pour Cyrano, tout vit, tout vibre, tout est sensible. Les religions, la morale, le respect des dogmes, l’obéissance aux codes de société, l’autorité ? Rien de tout cela ne doit passer avant la liberté ! Il se fait de nombreux ennemis, notamment chez les dévots et dévotes que scandalisent de nombreux passages de ses pièces ; La Mort d’Agrippine notamment déclenche une bagarre lors de sa représentation à l’Hôtel de Bourgogne, en 1654. La même année, une poutre tombe sur sa tête par hasard, ou par vengeance. Quelques mois plus tard, Cyrano, le penseur en avance sur son temps, bien plus proche du nôtre, meurt à trente-cinq ans, dans les bras de son fidèle ami Lebret, entouré de ses proches. Son dernier livre États et empires du soleil paraît sept ans plus tard. On n’en possède aucun manuscrit.

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