• Molière amuse le roi et les siècles, deuxième partie

    by  • 23 février 2015 • Extraits • 0 Comments

    Salle Richelieu, Comédie française

    Salle Richelieu, Comédie française

    Extrait de La Littérature française pour les Nuls, éditions First, 2005.

    L’École des femmes

    1662 est une année faste pour Molière : il se marie, reçoit une pension du roi, et triomphe avec sa comédie en cinq actes : L’École des femmes. Le sujet suscite maintes interrogations sur l’éducation des jeunes filles, la place de la femme, à travers l’histoire d’Arnolphe qui se fait appeler Monsieur de la Souche, et qui a fait élever dans un couvent depuis l’âge de quatre ans, Agnès. Elle vient d’en sortir, ignorante à souhait, selon son désir. Il se prépare à l’épouser, mais l’ingénue n’est pas la sotte qu’il croit avoir façonnée. Malgré toutes les précautions qu’il prend, elle goûte à des plaisirs de son âge avec un jeune conquérant qui emporte la place à la barbe du barbon… – barbe qu’il commente ainsi pour l’instruction d’Agnès : Votre sexe n’est là que pour la dépendance / Du côté de la barbe est la toute-puissance (sc. 2, acte 3).

    Cette comédie fort réussie déclenche une véritable bataille organisée par les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne dont le théâtre est déserté au profit de celui du Palais-Royal. Ils n’admettent pas que Molière ait quitté la farce à l’ancienne et s’aventure dans les structures de la tragédie pour écrire sa comédie, brouillant les deux genres. Il sont surtout malades de jalousie ! Pamphlet, satires, billets de toutes sortes vont se succéder pendant toute l’année 1663. Molière va répliquer avec La Critique de l’École des femmes et l’Impromptu de Versailles – pièce commandée par le roi fatigué des attaques contre son auteur préféré –  où il se met lui-même en scène, dans un éblouissant jeu de miroirs.

     

    Les personnages de Molière

    Alceste (fort, courageux, en grec) ; c’est un ronchonneur attendrissant, il voudrait que toute amitié soit assortie d’une sincérité limpide. Il tente d’atteindre cet idéal, mais échoue douloureusement.

    Harpagon (le rapace, en grec) : avare libidineux, il incarne la pathologie de l’argent poussée à son paroxysme.

    Monsieur Jourdain : bourgeois enrichi dans le commerce, ce personnage est l’image de tous ceux qu’on appelle aujourd’hui des parvenus naïfs, des nouveaux riches qui font sottement étalage de leur argent.

    Scapin : valet fourbe, aux mille ruses pour mille situations embarrassantes, jamais à cours d’idées pour tromper et se tirer d’affaire, Scapin est aussi celui qui se fait pincer un jour…

    Philaminte incarne la femme savante qui sait mieux que quiconque ce qu’il faut penser, et l’impose à tout son entourage, par amour pour une curiosité scientifique mise au service de la libération de la femme

    Argan : type du malade imaginaire, de l’hypocondriaque qui perturbe toute la vie de sa maison à cause de ses obsessions.

    La postérité dans un fauteuil

    Le 10 février 1673, le Malade imaginaire est joué pour la première fois. Molière est de plus en plus souvent atteint des quintes de toux qu’il a d’ailleurs mises en scène. Elles révèlent ce qu’il appelle sa fluxion – la tuberculose. Une semaine plus tard, le 17 février, il est pris d’un malaise sur scène. Inconscient, il est transporté dans sa maison où il meurt à dix heures du soir. Il faudra l’intervention du roi lui-même pour qu’il soit inhumé dans le cimetière – les comédiens étant excommuniés, la sépulture chrétienne leur était interdite ! Voulez-vous voir le fauteuil où Molière s’est assis pour la dernière fois en scène, où il a perdu conscience avant d’être emmené chez lui ? Allez à la Comédie française, premier étage. Voyez comme il joue bien les absents ! Et pourtant, vous le savez là, présent, même si certains prétendent qu’il dort au cimetière du Père Lachaise…

     

    Corneille a-t-il écrit les pièces de Molière ?

    Le 7 novembre 1919, dans la revue Comedia, Pierre Louys (1870 – 1925), écrivain français né à Gand,  lance une information qui fait l’effet d’une bombe à fragmentation de vers : c’est Corneille qui aurait écrit les pièces de Molière ! Pierre Louys n’en est pas à son coup d’essai en matière de supercherie : il a réussi à faire croire à l’authenticité grecque de chansons qu’il a lui-même écrites : les Chansons de Bilitis. Quelle preuve apporte-t-il ? Aucune, mais il se fonde sur le fait que Molière – qui devait être selon lui un simple farceur – n’a pas laissé de manuscrits de ses pièces. Il révèle aussi ce que tout le monde sait : Molière et Corneille ont collaboré pour écrire Psyché ; il étend alors cette collaboration à l’œuvre entière ! Et beaucoup s’engouffrent dans cette brèche : en 1957, Henri Poulaille publie Corneille sous le masque de Molière ; en 1990, Hippolyte Wouters et Christine de Ville de Goyet, avocats bruxellois font paraître Molière ou l’auteur imaginaire ; enfin, en 2001, Dominique et Cyril Labé relancent la polémique et le doute ! Alors ? Alors lisez tout Molière, lisez tout Corneille, et ajoutez, dans quelque temps, votre contribution à la résolution de cette énigme…

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