Au Cabaret-Vert
by jjj • 1 janvier 2015 • Poème quotidien • 0 Comments
Au Cabaret-Vert
cinq heures du soir
Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
− Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. − Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
− Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! −
Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse
D’ail, − et m’emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.
Arthur Rimbaud – Octobre 1870.