• 17 août 1661 : le banquet de Fouquet

    by  • 16 août 2015 • Jadis ou naguère • 0 Comments

    Le château de Vaux-le-Vicomte.

    Le château de Vaux-le-Vicomte.

     

    Colbert contre Fouquet

    Louis XIV au pouvoir, Fouquet se croit promis à une grande destinée. Il était presque sûr que Mazarin, qu’il a aidé à acquérir sa fortune colossale l’a chaudement recommandé au nouveau roi. Il va tomber de haut ! Mais qui est Fouquet ? Qui est Colbert ?

    Il était une fois, à Angers, un riche négociant…

    Il était une fois, à Angers, un négociant en soie et en laine qui avait gagné beaucoup d’argent. Il se dit alors que ses recettes pourraient être plus importantes encore dans la capitale. Voici donc notre homme qui s’installe à Paris. Son fils, habile en affaires, devient le bras droit de Maximilien de Béthune – vous vous rappelez ? Oui, Sully ! Le ministre d’Henri IV ! Ce fils se marie et a un fils qu’il prénomme Nicolas. Il est temps de connaître le nom de cette famille à la fulgurante ascension, ce qui, à l’époque n’était pas rare : Fouquet !

    Un portrait

    « Quo non ascendam »

    Nicolas Fouquet entre au service de Richelieu, puis d’un autre cardinal dont il contribue à accroître la fortune  – en même temps que la sienne – : Mazarin. « Quo non ascendam » (jusqu’où ne grimperai-je pas ?) c’est la devise du petit Nicolas – il n’est pas beaucoup plus grand que Louis XIV. L’emblème de la famille Fouquet est l’écureuil. Surintendant des finances en 1653, il fait merveille pour trouver l’or nécessaire à la poursuite de la guerre d’Espagne. Sa fonction lui permet de se livrer à une spéculation sauvage et audacieuse auprès de financiers européens, spéculation dont bénéficie surtout le cardinal Mazarin. Mais Fouquet se réserve d’importants pourcentages sur les juteuses opérations qu’il effectue.

    La couleuvre étouffe ses proies !

    Mazarin meurt assez tôt pour que jamais quelque instance de justice ne lui demande des comptes sur sa fortune personnelle… Louis XIV adore son parrain le cardinal. Ne vient-il pas de lui léguer, à sa mort, toute sa fortune ? Fouquet, en 1661, sûr de sa faveur auprès de Louis XIV est sûr de succéder au cardinal Mazarin, devenant premier ministre ! L’écureuil ! Jusqu’où ne grimpera-t-il pas ? Attention : une couleuvre ! Un reptile sournois qui étouffe ses proies orne le blason de l’intendant privé de Mazarin. Cet intendant s’appelle Jean-Baptiste Colbert.

    Le saviez-vous ?

    Un homme à tout faire

    Jean-Baptiste Colbert n’est pas, comme la légende le présente souvent, le fils d’un modeste marchand de drap de Reims, mais le descendant d’un puissant lignage de marchands banquiers champenois. Si son père n’a pas fait de florissantes affaires, son cousin, Saint-Pouange, est le premier commis du département de la guerre au temps de Louis XIII et Richelieu. Saint-Pouange lui obtient un brevet de conseiller d’État en 1648, le marie à Marie Charron de Mesnard, issue d’une riche famille orléanaise. Enfin, Michel le Tellier, beau-frère de Saint-Pouange, secrétaire d’État à la guerre, offre Colbert à Mazarin qui cherchait un homme à tout faire, surtout à faire des affaires…

    Colbert n’est pas un saint !

    Fouquet ! On le prévient : le roi veut sa perte, travaille à sa chute. Comme Henri de Guise, comme Concini, Fouquet, sûr de lui, certain que toutes les malhonnêtetés qu’il a commises et qui se retrouvent par héritage dans la poche du roi, le couvriront, utilise, pour répondre, une formule parente du fameux : « Il n’oserait ! » Il va oser, Louis XIV, il ne va pas se priver ! L’occasion est trop belle de charger Fouquet, de l’accuser de toutes les malversations commises au profit du cardinal ! Colbert se charge de perdre auprès de Louis XIV celui qu’il veut abattre. Colbert n’est pas un saint : il a lui aussi conduit des affaires tout aussi frauduleuses que celles de Fouquet pour plaire à son maître Mazarin, et lui aussi, il s’est enrichi au passage !

    Tartuffes !

    Mais, ce qui va l’emporter dans l’esprit de Louis XIV – un esprit disposant, s’il faut en croire l’euphémisme d’époque, d’une intelligence robuste ; certains contemporains parlent même d’une tête bien faite, mais pas forcément bien pleine : des jaloux, sans doute… – c’est la sympathie de Fouquet pour le parti dévot, la Compagnie du Saint-Sacrement. Ce parti, cette compagnie agace le roi ! C’est la bande des anciens frondeurs, ceux qui affichent, sans forcément la pratiquer, une rigueur morale ostentatoire. Molière, en 1664, dans son Tartuffe – la version définitive date de 1669 –  poursuivra la lutte engagée par Louis XIV contre ceux qui sont scandalisés par ses nombreuses maîtresses. Le parti dévot est aussi contre la monarchie absolue, contre la construction d’un État fort, pour une guerre maritime dirigée contre le Grand Turc ! Et Fouquet fait partie de ce grand réseau dévot qui, dit-on, n’hésite pas à recourir au poison pour éliminer ses adversaires !

    Colbert, Fouquet, Vaux la merveille

    Fouquet ! Il a acheté Belle-Île, il la fait fortifier. Ce sont des travaux d’entretien davantage qu’un renforcement des défenses. Mais Colbert saute sur l’occasion : si Fouquet consolide les remparts de Belle-Ile, c’est qu’il est à la tête d’un complot qui va menacer le pouvoir du roi ; et le roi écoute Colbert avec attention. Son intelligence robuste le pousse à décider l’arrestation de celui qui se voit déjà premier ministre. Louis XIV, au courant comme tout le monde, que le château de Vaux-le-Vicomte, propriété de Fouquet, vient de bénéficier de quelques années de travaux le transformant en une pure merveille, demande à y être invité.

    Une anecdote

    Le mufle, le malotru, le goujat !

    Tout heureux, Fouquet organise une fête de légende qui se déroule le 17 août 1661. Les six mille assiettes et les quatre cents plats sont en argent massif. Tout y brille de mille feux : il faut éblouir le roi. Fouquet y est entouré des artistes qu’il finance : La Fontaine, Molière dont les Fâcheux sont joués, Le Nôtre, Nicolas Poussin, Pierre Puget, Charles Le Brun, La Quintinie… Des feux d’artifice illuminent la nuit ! Les yeux de Louis XIV étincellent du plaisir de la vengeance : il sait, lui que Fouquet est perdu. Et d’autant mieux perdu que le petit Nicolas a lui-même ajouté une dernière touche à sa disgrâce en tentant de séduire Louis de la Vallière. Louise de la Vallière, la toute nouvelle maîtresse du jeune roi ! Fouquet lui a proposé une grosse somme d’argent pour obtenir ses faveurs ! Le mufle, le malotru, le goujat !

    D’Artagnan à Nantes

    Nous sommes à Nantes, le 5 septembre 1661. Louis XIV, Colbert et Fouquet sont arrivés d’Angers la veille. Le Conseil a lieu. Lorsqu’il est terminé, le roi devise aimablement avec Fouquet, afin que tout le monde s’en aille et que l’arrestation prévue se déroule calmement. À la porte, attend d’Artagnan, le commandant de la brigade des mousquetaires – ne le confondez pas avec le personnage de Dumas, c’est le même effectivement, mais dans le roman « Les Trois Mousquetaires », on ne le reconnaît pas ! Une nuée de quémandeurs assaille alors Fouquet qui disparaît dans la foule. Raté !

    Un événement important

    L’écureuil est en cage !

    Louis XIV est furieux. D’Artagnan court derrière la chaise à porteur qui emmène celui qu’il devait arrêter. Il la rattrape place de la Cathédrale. Fouquet n’oppose aucune résistance tant sa surprise est grande. Emprisonné d’abord au château d’Angers, il est transféré à la Bastille. Le Fouquet – l’écureuil en patois angevin – est en cage ! Durant tout son procès qui a lieu trois ans plus tard, Louis XIV, aidé de Colbert, fait pression sur les juges. Il espère la peine de mort, mais le jugement s’en éloigne tant que c’est le bannissement qui semble devoir l’emporter. Corneille, La Fontaine, Madame de Sévigné tentent de sauver leur ami. Alors, le roi décide lui-même de la sanction : Fouquet sera emprisonné à vie dans la forteresse de Pignerol située dans le Piémont, en Italie ! Fouquet y mourut le 23 mars 1680, emportant dans la tombe bien des secrets qui, révélés, eussent stupéfié le roi, et peut-être l’histoire.

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