• 15 août 778 : Roland meurt à Roncevaux

    by  • 16 août 2015 • Jadis ou naguère • 0 Comments

    Mort de Roland Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460.

    Mort de Roland
    Grandes Chroniques de France, enluminées par Jean Fouquet, Tours, vers 1455-1460.

    La Chanson de Roland se trouve depuis des siècles en tête du classement des chansons de geste. Que raconte-t-elle ? Voyons d’abord la légende, puis la réalité…

    L’embuscade

    4002 vers… Un peu trop long pour vous qui n’avez pas l’intention de partir en croisade ? Eh bien résumons l’histoire : l’action se passe en 778. Charlemagne revient d’Espagne où sa campagne contre les Maures n’a pas remporté un franc succès. De plus, Ganelon, beau-frère de Charlemagne est jaloux de la préférence que celui-ci accorde à son neveu : le comte Roland, pair de France, gardien des Marches de Bretagne. Ganelon, complice de Marsile, le roi fourbe de Saragosse tend une embuscade à son rival : il s’est arrangé pour que les vingt mille hommes de Roland ferment la marche et se trouvent ralentis dans les gorges de Roncevaux. C’est alors que les quatre cent mille – dans la chanson seulement… –  musulmans  de Marsile fondent sur les valeureux chevaliers de Roland qui se retrouvent donc à un contre vingt ! Les combattants héroïques se retrouvent à terre, transpercés de mille coups ! Forcément, ils en meurent…

    La défaite

    Roland résiste jusqu’au bout, mais il vaincu par le nombre. Avant de trépasser, il voit étendu son cher compagnon Olivier dont l’épée Hauteclaire est devenue inutile ; il se met à pleurer ! Alors, seulement, il sonne de l’olifant, cette trompe qui, utilisée plus tôt eût joué la sirène du danger et averti Charlemagne et son avant-garde : ils eussent fait demi-tour ! Sa dernière minute arrivée, Roland ne veut pas que sa fidèle épée Durandal tombe aux mains des païens de Marsile : il tente de la briser sur un rocher. Durandal ne se brise pas, elle rebondit vers le ciel, mais le rocher, lui, est fendu. Aujourd’hui encore, on peut voir une brèche de quarante mètres de large, de cent mètres de hauteur, au-dessus du cirque de Gavarnie (bien loin du col de Roncevaux…) Trop fort, Roland !

    Le triomphe

    Roland meurt – longuement, en plusieurs laisses de 8, de 12, de 14 vers… Charlemagne qui a entendu l’olifant est accouru avec toute sa troupe au triple galop : trop tard ! Alors se produit un prodige qui montre bien que Dieu est dans le camp de Charlemagne, même s’il demeure invisible : le soleil arrête sa course ! Oui, le soleil demeure immobile quelques heures, le temps pour Charlemagne et ses compagnons d’aller châtier les païens en fuite ! Marsile est défait. Baligant, l’émir de Babylone, qui venait à son secours avec les soldats de quarante royaumes, est tué par Charlemagne qui peut entrer dans Saragosse ; Marsile en périt de chagrin, sa femme Bramidoine se convertit au christianisme. Charlemagne rentre à Aix-la-Chapelle. Là-bas, Aude, la fiancée de Roland, meurt sur le coup en apprenant que son héros ne reviendra jamais plus. Et Ganelon le félon ? Il est écartelé devant une foule immense !

    La réalité

    Que s’est-il passé en réalité ? L’avant-garde de l’armée – Charlemagne à sa tête –  repasse les Pyrénées  le 15 août 778, tandis que Roland – préfet des marches de Bretagne – commande l’arrière-garde. Celle-ci est ralentie, pour ne pas dire encombrée, par des centaines de lourds chariots chargés du butin amassé çà et là pendant le séjour espagnol. En franchissant le défilé de Roncevaux, elle tombe dans une embuscade tendue par une bande de Vascons, les ancêtres des Basques. Malgré une défense héroïque, Roland, tous ses compagnons, tous ses soldats, sont passés au fil de l’épée. Dans la réalité, point d’Olivier, l’ami fidèle, point de Ganelon… Beaucoup d’autres personnages de la chanson ne sont que des fictions – des symboles surtout : la fidélité, l’amitié, la bravoure, la trahison. En 778, on parle à peine de cette embuscade. Eginhard qui suit toute sa vie Charlemagne comme son ombre la mentionne en précisant que les Vascons ne purent être châtiés parce qu’ils s’enfuirent immédiatement dans les montagnes. Il ne mentionne pas que le soleil arrêta sa course…

    Un peu de technique

    Jouez au jongleur

    Avec cette laisse 173 où l’on voit Roland qui frappe le rocher avec son épée Durandal, vous pouvez vous imaginer jongleur déclamant, scandant les vers sur le schéma 4/6 : Rollant ferit (4 syllabes) en une perré bise (6 syllabes) Plus en ababt (4) que jo ne vos sai dire (6) et ainsi de suite. Par ailleurs, remarquez la fin des vers, l’assonance de cette laisse repose sur le son « i », la laisse 174 est en « an », la 175 en « u »… Appuyez bien ce son « i », tentez de lui donner une portée pathétiiiiiique, si vous le pouvez. Allons, jongleur, à vos décasyllabes !

    Durendal en laisse et en langue d’oil

     

    Rollant ferit en une perre bise.

    Plus en abat que jo ne vos sai dire.

    L’espee cruist, ne fruisset ne ne brise,

    Cuntre ciel amunt est resortie.

    Quant veit li quens que ne la freindrat mie,

    Mult dulcement la pleinst a sei meisme:

    « E! Durendal, cum es bele et seintisme!

    En l’oriet punt asez i ad reliques,

    La dent seint Perre et del sanc seint Basilie

    E des chevels mun seignor seint Denise;

    Del vestement i ad seinte Marie:

    Il nen est dreiz que paiens te baillisent;

    De chrestiens devez estre servie.

    Ne vos ait hume ki facet cuardie!

    Mult larges teres de vus avrai cunquises,

    Que Carles tent, ki la barbe ad flurie;

    E li empereres en est ber et riches. »

    Plaisir de lire

     

    Durendal en laisse et en français moderne

    Roland frappe sur une pierre grise.

    Il en abat plus que je ne sais vous dire.

    L’épée grince, mais elle ne se rompt ni ne se brise.

    Vers le ciel elle a rebondi.

    Quand le comte voit qu’il ne la brisera pas,

    tout doucement il la plaint en lui même :

    « Ah ! Durendal, comme tu es belle et très sainte !

    Dans ton pommeau d’or, il y a bien des reliques,

    une dent de saint Pierre et du sang de saint Basile

    et des cheveux de monseigneur saint Denis,

    et du vêtement de sainte Marie.

    Il n’est pas juste que des païens te possèdent :

    c’est par des chrétiens que tu dois être servie.

    Ne soyez pas à un homme capable de couardise !

    J’aurai par vous conquis tant de terres immenses

    que tient Charles dont la barbe est fleurie !

    Et l’empereur en est puissant et riche. »

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