• La Rochefoucauld, ses maximes, sa morale

    by  • 30 décembre 2014 • Extraits • 0 Comments

     

    François de La Rochefoucauld (1613 - 1680)

    François de La Rochefoucauld (1613 – 1680)

    Extrait de La Littérature française pour les Nuls, éditions First, 2005.

    Mardi 2 juillet 1652, Porte Saint Antoine à Paris… Ne restez pas dans les parages ! Voyez-vous ces troupes qui commencent à faire mouvement ? Ce sont celles de Condé, le chef des princes révoltés. Turenne est à ses trousses avec son armée que vous apercevez plus loin, prête au combat. Regardez sur les hauteurs de Charonne : les deux silhouettes que vous apercevez, le panache au vent plus que dans le poignet, ce sont Louis XIV, quatorze ans, et Mazarin. Le cardinal vient de vivre trois années difficiles : après la Fronde du Parlement, il a dû affronter celle des princes dont il observe l’un des derniers épisodes. Les deux armées sont presque au contact ! Il est midi passé.

    L’homme blessé

    Écartez-vous, mettez-vous à l’abri, que diable, vous allez prendre un coup de mousquet ! Pan ! Pan ! Ça mitraille de tous côtés, les épées traversent les poitrines, embrochent, transpercent bras, jambes, cous… Pan ! Un homme vient de recevoir en pleine figure un coup de mousquet. Il lâche son épée, cache entre ses deux mains son visage en sang, tombe à genoux, se relève, fuit vers la Porte Saint Antoine qui vient de s’ouvrir pendant que, du haut de la Bastille, les boulets de canon pleuvent sur les soldats de Turenne ! Condé et sa troupe sont sauvés, au désespoir du jeune roi et de Mazarin. L’homme blessé peut être soigné, il est presque aveugle désormais. On lui demande son nom. Il répond avec cette voix ferme des hommes de guerre qui jamais ne défaillent : François, prince de Marillac, duc de la Rochefoucauld !

    Le conquérant à l’oeuvre

    À la porte Saint-Antoine, La Rochefoucauld met un terme à des années agitées où le nombre de ses victoires sur les champs de bataille le dispute à celles remportées dans les alcôves… La carrière de François, prince de Marillac commence tôt : il est marié à quatorze ans à Andrée de Vivonne qui lui donnera huit enfants. Mais dès seize ans, alors qu’il est nommé Maistre de camp du régiment d’Auvergne, le conquérant des cœurs se met à l’œuvre. Il est de tous les complots contre le pouvoir, vit plusieurs exils, intrigue de nouveau, se lie avec de grandes dames, épouse leurs querelles, se jette dans toutes les frondes, s’engage sur tous les champs de bataille, reçoit des blessures graves, s’en remet, recommence… jusqu’à la Porte Saint Antoine, en ce 2 juillet 1652.

    Scandale !

    Désormais, La Rochefoucauld, réconcilié avec le pouvoir en place – Louis XIV lui accorde une pension en 1659 – fréquente les salons où son esprit fait mouche, et merveille… Il brille au jeu des portraits, mode précieuse du temps. En même temps qu’il rédige ses mémoires, il écrit pour lui-même des pensées et maximes où la lucidité et le cynisme font bon ménage sur fond d’irréligion. On lui dérobe son manuscrit qui est publié à Cologne en 1664 sous le titre : Réflexions ou sentences et maximes morales. Scandale ! Même Madame de la Fayette qui va pourtant devenir la plus grande amie de La Rochefoucauld est effrayée de tant d’audace désabusée. Elle lui fera polir son ouvrage pour les éditions suivantes, atténuant ainsi la portée des accusations d’impiété qui le poursuivent.

    Le père François

    Dans les années 1670, François de La Rochefoucauld perd sa femme, puis sa mère ; l’un de ses fils est gravement blessé au passage du Rhin, un autre est tué au combat. Et puis, le jeune duc de Longueville meurt à son tour. La Rochefoucauld en est très affecté – c’est Madame de Sévigné qui le rapporte. Cette même Madame de Sévigné, la bonne langue des petits potins de salons, révèle, à mots couverts, qu’en même temps, la duchesse de Longueville est aussi plongée dans le désespoir, mais ne revoit pas François malgré la circonstance – comprenez ceci : c’était lui le père de l’enfant chéri de la duchesse ! Dans la nuit du 16 au 17 mars 1680, La Rochefoucauld, depuis longtemps mis au martyre par des crises de goutte et par le réveil de toutes ses anciennes blessures, meurt dans les bras de Bossuet, Madame de la Fayette, la fidèle, toujours à ses côtés.

    Citez l’auteur

    La Rochefoucauld en maximes

    Nos vertus ne sont, le plus souvent, que des vices déguisés.

    L’amour-propre est le plus grand de tous les flatteurs.

    Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d’autrui.

    Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement.

    On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on s’imagine.

    Chacun dit du bien de son coeur, et personne n’en ose dire de son esprit.

    L’esprit est toujours la dupe du coeur. .

    Les défauts de l’esprit augmentent en vieillissant comme ceux du visage.

    Il y a de bons mariages, mais il n’y en a point de délicieux.

    On fait souvent du bien pour pouvoir impunément faire du mal.

    On n’aurait guère de plaisir si on ne se flattait jamais.

    Le vrai moyen d’être trompé, c’est de se croire plus fin que les autres.

    On aime mieux dire du mal de soi-même que de n’en point parler.

    Le refus des louanges est un désir d’être loué deux fois.

    Les vertus se perdent dans l’intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer.

    Le désir de paraître habile empêche souvent de le devenir.

    Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit

    Quelque bien qu’on nous dise de nous, on ne nous apprend rien de nouveau.

    Il y a dans la jalousie plus d’amour-propre que d’amour.

    Les esprits médiocres condamnent d’ordinaire tout ce qui passe à leur portée.

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