• Clément Marot, L’Adolescence clémentine… Deuxième partie

    by  • 27 décembre 2014 • Poème quotidien • 0 Comments

     

    Le blason du beau Tétin...

    Le blason du beau Tétin…

    Le poète en cavale…

    Libre, Marot. Sage ? Non : un soir de 1527, il est témoin du transfert d’un pauvre bougre par quatre archers du guet. Il n’écoute que son cœur, bouscule les archers, le supposé bandit s’enfuit, mais lui, Marot, se retrouve au cachot. Il raconte en un poème cette aventure au roi qui en rit, le fait délivrer… Huit années passent. Et tout va pour le mieux. Le roi catholique François et sa sœur, Marguerite de Navarre, acquise aux idées des réformés, le préservent de tout danger. Il se marie, publie son recueil « L’adolescence clémentine » (1532) ; de plus, il réédite les poésies de Villon. Bonheur, succès.

    Un peu de technique

    Expert en épîtres

    Multiple, jaillissant toujours de la plus soleilleuse des malices, l’inspiration de Marot ne se contente pas des formes déjà utilisées par les générations qui le précèdent. En bon humaniste, il fouille dans les genres anciens pour y trouver l’épître, peu pratiquée (la lettre, du latin épistola).  Il excelle dans ces pièces de bonne dimension, la plupart du temps en décasyllabes. C’est une épître au roi qui sauve Marot du cachot où il a été jeté pour avoir mangé lard en carême. Pur héritage du gène rhétoriqueur de Marot père, elle joue avec les rimes calembour, les rimes équivoquées. Voici par exemple le début de celle qui fit tant rire François 1er qu’il ordonna qu’aussitôt son poète fût sorti de sa geôle :

    En m’ébattant je fais rondeaux en rime,

    Et en rimant bien souvent je m’enrime ;

    Bref, c’est pitié d’entre nous rimailleurs,

    Car vous trouvez assez de rime ailleurs,

    Et quand vous plaît mieux que moi rimassez,

    Des biens avez et de la rime assez :

    Mais moi, à tout ma rime et ma rimaille,

    Je ne soutiens (dont je suis marri) maille (…)

     

    Clément en Italie

    Hélas, en 1534, des affichettes attaquant les catholiques sont placardées  au château d’Amboise. Clément doit s’enfuir en Italie chez la fille de Louis XII, protestante. C’est là qu’il approfondit l’art de Pétrarque et de son Canzonière dont il s’inspire pour écrire le premier sonnet français, dédié à la duchesse de Ferrare. Il y met aussi à la mode le blason, poème d’octosyllabes à rimes plates AABBCCDD… célébrant un être, un objet ou une idée en général, et le corps de la femme en particulier – voilà pourquoi de Marot nous demeure aujourd’hui le fameux et délicieux Blason du beau tétin…

     

     

    Le Beau Tetin

     

    Tetin refaict, plus blanc qu’un oeuf,

    Tetin de satin blanc tout neuf,

    Tetin qui fait honte à la rose,

    Tetin plus beau que nulle chose ;

    Tetin dur, non pas Tetin, voyre,

    Mais petite boule d’Ivoire,

    Au milieu duquel est assise

    Une fraize ou une cerise,

    Que nul ne voit, ne touche aussi,

    Mais je gaige qu’il est ainsi.

    Tetin donc au petit bout rouge

    Tetin qui jamais ne se bouge,

    Soit pour venir, soit pour aller,

    Soit pour courir, soit pour baller.

    Tetin gauche, tetin mignon,

    Tousjours loing de son compaignon,

    Tetin qui porte temoignaige

    Du demourant du personnage.

    Quand on te voit il vient à mainctz

    Une envie dedans les mains

    De te taster, de te tenir ;

    Mais il se faut bien contenir

    D’en approcher, bon gré ma vie,

    Car il viendroit une aultre envie.

    O tetin ni grand ni petit,

    Tetin meur, tetin d’appetit,

    Tetin qui nuict et jour criez

    Mariez moy tost, mariez !

    Tetin qui t’enfles, et repoulses

    Ton gorgerin de deux bons poulses,

    A bon droict heureux on dira

    Celluy qui de laict t’emplira,

    Faisant d’un tetin de pucelle

    Tetin de femme entiere et belle.

     

    Clément Marot – Blason, 1535

     

    Marot chez Calvin

    Le duc de Ferrare, fidèle aux saints, n’apprécie ni le Beau tétin de Marot, ni son sonnet, ni son goût pour la réforme. D’accord avec le pape, il le chasse. Marot revient en France, abjure et devient « bon catholique » à Lyon, subit encore les attaques de Sagon le médiocre, traduit les psaumes de David qui terminent premiers au hit-parade des chants des … réformés ! La faculté de théologie, la Sorbonne font interdire la publication de ces psaumes. Marot doit s’enfuir encore. Il part pour Genève que Calvin gouverne d’une main de fer. Qu’y fait Marot qui le pousse à quitter son asile genevois ? Séduit-il la femme de celui qui l’accueillait ? Peut-être… S’adonne-t-il à des loisirs interdits par le calvinisme, le jeu de tric-trac, par exemple ? Sans doute… Est-il tant privé de ressources qu’il ne lui en reste plus qu’une : trouver son salut encore en Italie ? Oui, c’est sûr !

     

    La mort à Turin

    C’est là-bas, à Turin, seul, démuni, abandonné, que meurt en 1544 le plus vif, le plus spirituel, le plus pétillant des poètes du XVIe siècle, Clément Marot, à l’âge de quarante-neuf ans. Doucement, pour le garder encore un peu sur les frontières du temps où la mémoire en sentinelle veille, voici de lui, de ses poèmes, le dernier ou presque…

    Plaisir de lire

     

    De soi-même

     

    Plus ne suis ce que j’ai été,

    Et ne le saurais jamais être ;

    Mon beau printemps et mon été

    Ont fait le saut par la fenêtre.

    Amour, tu as été mon maître :

    Je t’ai servi sur tous les dieux.

    Ô si je pouvais deux fois naître,

    Comme je te servirais mieux !

     

    Clément Marot – Epigrammes, 1541

    Clément Marot en œuvres

    1532 – L’Adolescence clémentine

    1543 – Psaumes

    Ce qu’ils en ont dit

    Imitons de Marot l’élégant badinage… – Boileau

    Marot, par son tour et son style, semble avoir écrit depuis Ronsard – La Bruyère

    Une causerie facile, semée par intervalles de mots vifs et fins est presque le seul mérite qui le distingue – Sainte-Beuve

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