• Clément Marot, l’ado… Première partie

    by  • 26 décembre 2014 • Poème quotidien • 0 Comments

    Clément Marot (1496 - 1544)

    Clément Marot (1496 – 1544)

    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010.

    Champion du rondeau, de l’épître, des rimes équivoquées, héritage des grands rhétoriqueurs, voyageur, bagarreur, joyeux drille, malicieux, audacieux, élégant en tout temps, en tout lieu, voici Marot, le catholique et protestant, en un seul Dieu…

     

    « Espèce de sagouin ! »

    « Marot, vous n’êtes qu’un maraud ! » ; « Sagon, vil sagouin ! » ; « Allons, Marot, allons, Sagon, calmez-vous, allons… » ; «  Marau… Sagouin…Mar… Sag… » Cette querelle se déroule dans la cour du château d’Alençon, le 16 août 1534, lors du mariage d’Isabeau d’Albret. Rien ni personne ne peut calmer la colère de l’un, la fureur de l’autre, pas même vous, lecteur qui voyez sous vos yeux Marot, ce poète virevoltant, malicieux, délicieux, harcelé par un Sagon poétaillon… Et le ton monte encore : « Vil maraud, hérétique, hérét… » Ah ! C’est donc de cela qu’il s’agit : Marot affiche sa sympathie pour les protestants, Sagon appartient au clan des irréductibles catholiques. « Hérétique ? Qui ? Moi ?… » Clément, non, Clément, ne sortez pas de son fourreau votre poignard, non, ne levez pas la main sur ce… Retenu par vos amis, Clément, vous n’irez pas plus loin : Sagon sans arme s’est enfui. Mais sa galopade a fait tant de bruit qu’on en parle encore aujourd’hui.

    Tel père, tel fils : Jean et Clément

    Ah, Marot ! Clément soupe au lait ! Le Clément de ces dames qui succombent aux charmes de la rime, Clément le tombeur, le beau parleur, Clément de la joute amoureuse, et de tous les combats, le vers en première ligne. Clément, fils de son père Jean, « Jehan des Maretz, alias Marot ». Jean Marot, l’ami de Jean Meschinot, de Lemaire de Belges, de tous les rhétoriqueurs dont il fait partie, est né à Mathieu, près de Caen, en 1464. Faillite à Caen, le voici en Quercy, à Cahors, en terre occitane d’où ses ancêtres, peut-être, étaient originaires.  C’est là que naît, en 1496, Clément.

    Un peu de technique

    Le chant royal de Jean

    Jean, chapelier qui vivote, pauvre de bien, riche de savoir, autodidacte, est introduit à la cour d’Anne de Bretagne qui l’apprécie. Chantre des fastes et batailles de Louis XII jusqu’en 1515, il est valet de garde-robe de François 1er entre 1516 et 1524, année de sa mort. Poète, Jean Marot ? Oui, connu, reconnu en son temps champion du rondeau, de la ballade, du chant royal (cinq strophes de onze décasyllabes ABABBCCDEDE ; le onzième vers est le refrain ; un quintil – strophe de cinq vers – termine le chant ; cet « envoi » se termine par le refrain). Il lègue à Clément sa charge de valet de François 1er, et tous ses talents. Marot vit, Marot aime, suit la cour au Camp du Drap d’or en 1521. François 1er y accueille le roi d’Angleterre Henri VIII, cherche à l’éblouir. En vain. Puis, c’est l’Italie, en 1525, la défaite de Pavie.

     

    Marot à Pavie ?

    Dans une lettre à un ami datée 27 août 1687, Messire Roger de Rabutin, genre de bacchus militaire et lettré du Grand Siècle, cousin de Madame de Sévigné, écrit ceci : « A ce propos, je vous veux conter ce que fit Marot après la bataille de Pavie. Marot, un des valets de chambre de François 1er, ayant été blessé au bras à la bataille de Pavie, écrivit à une femme qu’il aimait en France, le détail de cette journée, et comment il y avait été blessé ; et après avoir badiné sur les blessures que lui avaient faites ses amis et ses ennemis, il finit sa lettre comme je vais finir la mienne : Celle du bras journellement s’amende / Celle du cœur, je vous la recommande ». La participation de Marot à Pavie est mise en doute par certains : ils n’ont pas lu Rabutin… Pavie, 1525, François 1er encerclé, fait prisonnier par les troupes de Charles-Quint, est mis en geôle en Espagne…

    Clément, mangeur de lard

    Après la bataille de Pavie, Marot retrouve à Paris son grand amour : Isabeau. Qui d’elle ou de lui soupçonne l’autre d’inconstance ? Qu’importe ! Mais en voici la conséquence : Isabeau accuse Marot d’avoir « mangé lard en carême », ce que la religion catholique interdit alors que la religion réformée, protestante, s’en bat l’œil ! Puisqu’il a mangé ce lard, Marot devient un hérétique. Nicolas Bouchart, docteur en Sorbonne, le fait enfermer à la prison du Châtelet – il la décrit dans son poème L’Enfer. La situation est grave : à tout instant, l’affaire de Clément peut aller de telle sorte qu’il se retrouve sur un bûcher, et qu’il parte en fumée comme d’autres hérétiques déjà rôtis à Paris ! Et le roi François, prisonnier en Espagne n’est pas là pour le protéger du fanatisme. Clément s’en tire in extremis : l’évêque de Chartres, son ami Louis Guimart, le fait transférer chez lui, et lui donne pour prison sa maison… François 1er revenu, Clément est libéré. C’est à ce moment qu’il tombe amoureux d’Anne d’Alençon pour qui il écrit de délicates petites pièces de vers, tel ce rondeau : De sa grande amie.

     

    De sa grande amie

     

    Dedans Paris, Ville jolie,

    Un jour passant mélancolie

    Je pris alliance nouvelle

    A la plus gaie damoiselle

    Qui soit d’ici en Italie.

     

    D’honnêteté elle est saisie,

    Et crois selon ma fantaisie

    Qu’il n’en est guère de plus belle

    Dedans Paris.

     

    Je ne vous la nommerai mie

    Sinon que c’est ma grand amie,

    Car l’alliance se fit telle,

    Par un doux baiser, que j’eus d’elle,

    Sans penser aucune infamie

    Dedans Paris.

     

    Clément Marot – L’adolescence clémentine, 1532

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