• Mauriac, Malagar et Nénette…

    by  • 24 novembre 2014 • Extraits • 0 Comments

    Le domaine de Malagar, en Gironde, où François Mauriac a écrit la plupart de ses oeuvres.

    Le domaine de Malagar, en Gironde, où François Mauriac a écrit la plupart de ses oeuvres.

    François Mauriac, il était une foi…

    Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il le croit. Cette maxime de La Rochefoucauld, avec ses sous-entendus d’interdits transgressés d’autre façon, peut servir de bannière à la procession des œuvres de Mauriac…

    Doux Jésus !

    On raconte qu’un jour, dans les années cinquante, un écrivain fort à la mode assistant à une soirée mondaine rencontra François Mauriac. Cet écrivain à la mode venait de publier un livre sur le Christ, et ce livre se multipliait comme des petits pains… Évidemment, des droits d’auteurs fort substantiels tombant dans son escarcelle, cet écrivain fort à la mode avait offert à son épouse un superbe manteau de fourrure. Fort cher. Madame et son manteau accompagnaient Monsieur l’écrivain lors de ladite soirée. Mauriac s’approcha d’elle alors, la salua. Puis, admiratif, il effleura la riche fourrure, en disant : « Doux Jésus !… »

    Au nom du Seigneur…

    On raconte qu’un autre soir, pendant un dîner, après le départ de la veuve de Paul Claudel, il s’était exclamé : « Mon Dieu, qu’elle a dû être laide ! ». Allons Mauriac, c’est fini ? Non, et pour notre plus grand plaisir… Ne l’a-t-on pas entendu dire un jour : « C’est bon de faire la haine, ça détend, ça repose ». Ou bien, à propos de Lamartine : « Ce sublime dadais de Lamartine… ». Et puis ceci, sur Jean-Paul Sartre : « Sartre ? Incurablement inoffensif ! ». Attention, François Mauriac, voici maintenant la réponse du berger à la bergère : « Dieu n’est pas un artiste. Monsieur Mauriac non plus. » Signé Jean-Paul Sartre, qui se fend de cette autre pensée pétillante : « Mauriac, l’eau bénite qui fait pschitt !… » Terminons en beauté avec le malicieux portrait qu’en fait Philippe Bouvard: « Je regrette de l’avoir si peu connu car il était, paraît-il, d’une méchanceté qui n’avait d’égale que sa foi. Il crucifiait tous les contemporains qui lui tombaient sous la main. Mais au nom du Seigneur ! »

    Une anecdote

    Mon Malagar

    En 2001, paraissait un livre signé Lucienne Sinzelle, alias Nénette : Mon Malagar. Un récit terrible, celui de la petite-fille des ouvriers agricoles au service des Mauriac, au château de Malagar : les Sinzelles vivent à quatre dans un deux pièces sans électricité, sans eau, sans chauffage. Des guenilles plutôt que des vêtements. Pas un sou. Et cet incessant travail physique de l’esclave intemporel. La mère est usée à trente ans. Le père boit et finit par violer sa fille. Lulu, le fils, est intelligent, doué pour les études. On eût pu, charitablement, s’en soucier. On ne le fit pas. Lulu était tout juste bon pour devenir le vacher qui se désespéra et mourut à vingt-cinq ans. Nénette joue avec un garçon de son âge qui s’échappe du château : Monsieur Jean. Jean Mauriac, le fils de François. C’est lui qui va aider Nénette, presque soixante ans plus tard, à raconter son Malagar, si loin de la gloire de son maître François.

    Un homme de conviction

    François Mauriac est né à Bordeaux le 11 octobre 1885. Son enfance se déroule dans le château de Malagar, cœur du vignoble paternel. En 1907, après une licence de lettres, il décide de vivre à Paris afin qu’y éclose sa vocation d’écrivain. Pendant quarante-cinq ans, il va publier des romans où l’homme, la femme, sans cesse tiraillé entre Dieu et diable s’efforce de faire bonne figure. Dans les années trente, il s’engage politiquement, dénonce la montée du fascisme, condamne la guerre d’Espagne. Entre 1939 et 1945, il choisit le camp de la Résistance, s’oppose aux hommes de Vichy, aux excès de leurs prosternations humiliées. Chroniqueur au Figaro, à l’Express, Mauriac se montre un homme de conviction dans ses bloc-notes hebdomadaires. Le romancier passe alors au second plan, mais publie en 1969, une dernière fiction qui comporte – comme tous ses romans – beaucoup d’éléments autobiographiques : Un adolescent d’autrefois. François Mauriac, entré à l’Académie française en 1933, a reçu le prix Nobel de littérature en 1952

    Mauriac en oeuvres

    1922 Le Baiser au lépreux – Noémie épouse un homme disgracié qui meurt de tuberculose. Sa gloire est de lui rester fidèle.

    1923 Genitrix – Fernand Cazenave épouse Mathilde, contre le gré de sa mère. Mathilde meurt, mais son souvenir désorganise l’existence de ceux qui lui survivent.

    1925 Le Désert et l’Amour – Les violents désirs du docteur Courrèges.

    1927 Thérèse Desqueyroux – Elle empoisonne son mari qui survit et lui pardonne, par pitié.

    1932 Le Noeud de vipères – Un vieil avare achève sa vie dans la foi.

    1933 Le Mystère Frontenac – Une famille unie, sans véritable mystère…

    1936        Les Anges noirs

    1940 Le Sang d’Atys – Poème

    1941 La Pharisienne – Brigitte Pian, une femme acariâtre et mauvaise, se rachète à la fin de sa vie.

    1951 Le Sagouin – Guillou, l’enfant de Galées de Cernès et de Paule, entraîne son père dans la mort pour fuir sa gorgone de mère.

    1969 Un adolescent d’autrefois – Tous les thèmes de Mauriac dans une coda attachante.

     

    Extrait de « La Littérature française pour les Nuls », éditions First, 2005.

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