• La dictée de Nancy, 2014 : Émile et sa méthode

    by  • 14 septembre 2014 • Les dictées JJJ • 2 Comments

    Émile et sa méthode

     

     

    « Quelles chausse-trapes compliquées, quels traquenards de cauchemar, quel martyre nous a préparés le lexicographe de service en cette année deux mille quatorze ? » vous êtes-vous tous demandé en vous asseyant tout à l’heure dans cet amphithéâtre du Muséum-Aquarium.

    « Pourvu qu’une arythmie sournoise, une tachycardie fatale, n’affole pas nos diastoles et systoles ! Et si quelque épistaxis inopinée provoquant la panique survient deçà delà, qui se dévouera pour déclencher l’alerte rouge ? »

    Du calme ! La dictée de cette année est très facile : dans une heure, les myocardes ne se seront pas mués en pouls cacochymes, les subtiles vibrisses auront filtré sans encombre l’atmosphère de cet antre imprégné par le doute, et si vous acquérez de façon durable et sûre des graphies rares, nous ne nous serons pas époumonés pour rien !

    Facile, la dictée ? Oui ! Les lacs, les guets-apens, les embûches de l’an dernier – Stanislas Leszczynski, l’acédie, le forsythia, le rhododendron, sans oublier les frères Daum – vous sont épargnées (bel exemple de prétérition, préciseront les rhétoriciens experts ès métaphores, hendiadys ou tapinoses).

    Facile, la dictée ! Oui ! Il suffit de se le dire, de se le répéter, et d’appliquer la fameuse méthode d’un célèbre Nancéien d’adoption : Émile Coué.

    Ledit Coué affirmait : « La neurasthénie, le bégaiement, les phobies, la cleptomanie, certaines paralysies ne sont autre chose que le résultat de l’inconscient sur l’être physique ou moral ». Diable, même les paralysies…

    Et la dysorthographie, cher Émile Coué ? Si d’aucuns ici s’en sont vus atteints, eût-il suffi que chacun d’eux ressassât pour être guéri avant l’épreuve : « Je vaincs sans souci les pièges de l’Académie  » ? Oui ? Eh bien, qu’on se le dise : mieux vaut une petite ritournelle que tous les Bescherelle ! À condition, bien sûr, d’ajouter : « Je crois à la méthode Coué » !

     

    Jean-Joseph Julaud

     

    Les lauréats : 

    1e : Éric Tondeur – 3 erreurs

    2e : Samuel Debondu – 8 erreurs

    3e ex æquo : Catherine Auboyer – 9 erreurs

    Anne-Marie Denninger – 9 erreurs

    5e : Gwendoline Plassais – 10 erreurs

     

    Émile et sa méthode, correction

     

     

    « Quelles chausse-trapes ou chausse-trappes

     

    un « p » ou deux « p » à trape.

     

    « Quelles chausse-trapes compliquées, quels traquenards de cauchemar, quel martyre

     

    On peut, à la rigueur, mettre au singulier ou au pluriel les éléments de ce complément d’objet direct, en respectant l’accord de l’adjectif interrogatif ou qualificatif : « Quelle(s) chausse-trape(s) compliquée(s), quel(s) traquenard(s) de cauchemar, quel(s) martyre(s).

     

    quel martyre

     

    quel martyre : il s’agit du supplice ; le martyr, c’est le supplicié.

     

    Quelles chausse-trapes compliquées, quels traquenards de cauchemar, quel martyre nous a préparés le lexicographe…

     

    Le lexicographe nous a préparé quoi ? « Quelles… martyre », le COD est placé avant, on accorde au masculin pluriel : préparés.

     

    Mais si l’on considère que ces trois sujets se succèdent en gradation et s’ils ont été écrits au singulier – ou les deux premiers au pluriel, ou l’un ou l’autre de ces deux premiers (Quelles chausse-trapes compliquées, quel traquenard de cauchemar ou Quelle chausse-trape compliquée, quels traquenards de cauchemar, on peut considérer correct l’accord avec le dernier terme de cette gradation au singulier : « martyre » ; dans ce cas, donc, le participe passé « préparé » au singulier est justifié.

     

     

    deux mille quatorze 

     

    ou deux mil quatorze, on doit cependant préférer deux mille quatorze.

     

     

    vous êtes-vous tous demandé

     

    Vous vous êtes demandé quoi ? Tout ce qui est entre guillemets et peut être remplacé par « cela », on accorde donc le participe passé au masculin singulier : « demandé ».

     

     

    en vous asseyant tout à l’heure dans cet amphithéâtre du Muséum-Aquarium.

     

    Muséum-Aquarium, un accent aigu sur le « é » de Muséum.

     

    « Pourvu qu’une arythmie sournoise, une tachycardie fatale n’affole pas nos diastoles et systoles !

     

    une arythmie sournoise, une tachycardie fatale n’affole pas : on accorde « affole » soit au singulier – dans le cas de sujets juxtaposés, l’accord peut se faire avec le dernier, lorsque ces sujets sont synonymes ou presque, ou bien il s’agit d’une gradation et on attire l’attention sur le dernier terme -, soit au pluriel : « affolent ».

     

    pluriel à diastoles et systoles, pluriel dicté lors de la lecture.

     

     

     

     

     

     

    Et si quelque épistaxis inopinée

     

    Epistaxis est du genre féminin.

     

     

     

    provoquant la panique survient deçà delà, qui se dévouera pour déclencher l’alerte rouge ? »

     

    provoquant est ici un participe présent, deçà delà prennent un accent grave.

     

     

     

    Du calme ! La dictée de cette année est très facile : dans une heure, les myocardes ne se seront pas mués en pouls cacochymes,

     

    Cacochyme : usé, épuisé.

     

     

    les subtiles vibrisses auront filtré sans encombre l’atmosphère de cet antre imprégné par le doute,

     

    vibrisse est du genre féminin, antre est du genre masculin.

     

     

    et si vous acquérez de façon durable et sûre des graphies rares, nous ne nous serons pas époumonés pour rien !

     

    nous ne nous serons pas époumonés : accord du participe passé avec le sujet, le verbe s’époumoner étant essentiellement pronominal.

     

     

     

     

    Facile, la dictée ? Oui ! Les lacs, les guets-apens, les embûches de l’an dernier – Stanislas Leszczynski, l’acédie, le forsythia, le rhododendron, sans oublier les frères Daum – vous sont épargnées (bel exemple de prétérition, préciseront les rhétoriciens experts ès métaphores, hendiadys ou tapinoses).

     

     

    Le participe passé « épargnées » est au féminin pluriel car il s’accorde avec le dernier terme de l’énumération qui fait se succéder des synonymes.

     

    le mot « acédie » vient du grec « akèdeia » qui signifie « privation de soin », on ne prend plus soin de soi, on se laisse aller, on sombre dans la mélancolie, bref, on fait une déprime…

     

    Stanislas Leszczynski (1677 – 1766) : eh oui… 8 consonnes, et trois voyelles, avec le groupe « szcz »… Vous, Nancéiens, n’en êtes point étonnés, et ce nom vous est familier, et vous l’avez à coup sûr parfaitement orthographié…

     

    L’hendiadys (ou hendiadyin) est une figure de rhétorique qui consiste à remplacer un nom accompagné d’un adjectif, d’un complément ou d’une relative par deux noms qu’unit une conjonction : ainsi, lorsque l’on dit boire dans des patères et de l’or pour boire dans des patères d’or.

     

    La tapinose est une figure de rhétorique fort honnête qui consiste en un enchaînement d’hyperboles et de métaphores dévalorisantes pour le sujet ou le thème traités.

     

     

    Facile, la dictée ! Oui ! Il suffit de se le dire, de se le répéter, et d’appliquer la fameuse méthode d’un célèbre Nancéien d’adoption : Émile Coué.

     

    Nancéien avec une majuscule, il s’agit ici du nom propre.

     

     

    Ledit Coué affirmait : « La neurasthénie, le bégaiement, les phobies, la cleptomanie, certaines paralysies ne sont autre chose que le résultat de l’inconscient sur l’être physique ou moral ». Diable, même les paralysies…

     

    Ledit en un mot.

     

    Cleptomanie ou kleptomanie.

     

     

     

    Et la dysorthographie, cher Émile Coué ? Si d’aucuns ici s’en sont vus atteints,

     

    D’aucuns s’en sont vus atteints : d’aucuns ont vu « s’ » (d’aucuns) atteints, le COD « s’ » est placé avant, on accorde donc le participe passé : vus

     

     

     

     

    eût-il suffi que chacun d’eux ressassât pour être guéri avant l’épreuve :

     

     

    eût-il suffi que : aurait-il suffi que. Accent sur le « u » de « eût » car il s’agit ici d’un conditionnel passé 2e forme.

     

    Que chacun d’eux ressassât, dans cette subordonnée qui vient après le verbe suffire, on emploie le mode du doute, le subjonctif, ici le subjonctif imparfait : ressassât.

     

     

     

    « Je vaincs sans souci les pièges de l’Académie  »

    Je vaincs, tu vaincs, il vainc…

     

    L’Académie, avec une majuscule (l’Académie française).

     

     

     

     

    Oui ? Eh bien, qu’on se le dise : mieux vaut une petite ritournelle que tous les Bescherelle !

     

    Tous les Bescherelle : pas de « s », c’est un nom propre.

     

     

     

    À condition, bien sûr, d’ajouter : « Je crois à la méthode Coué » !

     

     

     

     

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    2 Responses to La dictée de Nancy, 2014 : Émile et sa méthode

    1. Gérard
      15 septembre 2014 at 15 h 49 min

      Bonjour JJJ,

      Très jolie dictée (j’y étais!).

      Merci pour le texte et surtout pour les éclaircissements, qui permettent de comprendre les erreurs et de mieux mémoriser tant le vocabulaire inconnu que les règles ayant besoin de consolidation.

      Il me reste cependant un dernier doute, sur les majuscules appliquées au noms muséum et aquarium.
      De mémoire, la majuscule ne s’applique aux noms d’établissement que s’ils sont uniques. Or, il existe bien sûr d’autres muséums et d’autres aquariums.
      Est-ce le trait d’union qui transforme le groupe nominal Muséum-Aquarium en établissement unique en France ?

      Merci pour cette ultime précision et encore bravo pour l’organisation de cette dictée.

    2. Philippe Girard
      29 septembre 2014 at 8 h 55 min

      Bravo Eric !

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