• Tout sur le trafic…

    by  • 1 juillet 2014 • Extraits • 0 Comments

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    Article paru dans la page Vocabulaire du magazine médical publié par Edimark, 2e trimestre 2014

    Le mot trafic

     

    Trafic d’armes, d’organes, trafic de drogue, d’esclaves… Voilà un mot plutôt louche que ce trafic, un mélange de chenapan et de malfrat, de fripon et de malandrin… Il promène sa dégaine de vaurien, d’apache de la Belle Époque, près des remparts de la morale qu’il a percés de brèches pratiques pour toutes sortes d’évasions.

    Étonnant, ce mot trafic dont la seule honnêteté est d’ajuster à la perfection son orthographe à sa prononciation, sésame phonétique qui lui permet de voyager aisément dans toutes les langues.

    Mais d’où vient-il, ce trafic ? De quelle cellule souche est-il né, de quelles rencontres, de quel… trafic ? A vrai dire, on n’en sait rien ! Et cela ne fait qu’ajouter au caractère interlope du mot une touche de mystère.

    D’aucuns situent son apparition au XIVe siècle, en Italie, avec cette orthographe : traffico, nom issu du verbe trafficare à l’origine obscure. On n’est guère plus avancé… Seules des hypothèses aux frontières du spécieux permettent d’ajuster ses racines à la vraisemblance, de les trafiquer en quelque sorte : du catalan trafegar, devenu en napolitain trafaca, et signifiant vider, jusqu’à la lie, du vin dans des fiasques, serait né notre trafic, avec une idée de mouvement, de transformation, peut-être de contrebande, qui sait, et partant, de commerce illicite. Une autre hypothèse fait du latin transfingere (transformer) l’aïeul de trafic, avec l’idée de tromperie sur la marchandise.

    Foin de tous ces doutes, venons-en aux acceptions de notre mot au fil du temps. Toujours porteur de son bémol à l’honnêteté, trafic s’associe au commerce dès le XIVe siècle.

    Au XVe siècle, entre autres forfaits, il s’illustre dans le domaine spirituel en se livrant  à la vente de remises de peine en purgatoire qui est, pour les catholiques après leur mort, l’antichambre du paradis. Pour une somme rondelette remise aux curés, aux évêques, on gagne quelques dizaines ou centaines de jours supplémentaires d’éternité bienheureuse, ce qui n’est pas rien… C’est ce qu’on a appelé le trafic d’indulgences, trafic qui a fait bondir de colère Luther en 1517, et, du même coup, donné naissance au protestantisme.

    Le duc de Saint Simon, dans ses Mémoires, au XVIIIe siècle, parle de « gens de robe et de trafic », mettant juges, avocats et trafiquants divers dans le même sac…

    En Angleterre, au XIXe siècle, le mot traffic, avec deux f, désigne le mouvement des véhicules en général, puis des trains en particulier. Cette acception entre dans la langue française au début du XXe siècle, mais avec un seul : le trafic ferroviaire, aérien, routier ; un seul f également pour le titre de l’ultime film de Jacques Tati en 1971. Le constructeur automobile Renault utilise depuis 1981 cet héritage anglais avec son Trafic à quatre roues, neuf places et un f.

    Enfin, entre l’apparence du rachat et l’ironie du sort, le mot trafik (avec un k) orne en lettres majuscules bien visibles l’entrée des bureaux de tabac en Autriche.

    Aujourd’hui, en France et ailleurs, les petits trafics se multiplient pour la survie des précaires, et les grands trafics maffieux prospèrent, le trafic d’organes par exemple… C’est celui qui heurte le plus la morale et la dignité humaines. Gageons qu’une lutte efficace puisse en venir à bout, par tous les moyens, dût-on user pour cela de trafic d’influence…

    Jean-Joseph Julaud, pour Edimark, avril 2014.

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