• Lautréamont : Les Chants de Maldoror

    by  • 29 juin 2014 • Extraits, Poème quotidien • 0 Comments

    Uruguay. Colonia del Sacramento

    Uruguay. Colonia del Sacramento

    Uruguay. Colonia del Sacramento

    Uruguay. Colonia del Sacramento

    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010.

    Lautréamont à la mèche rebelle

    En 1867, à Paris, pendant que résonne le glas lugubre qui conduit Baudelaire à sa dernière demeure au cimetière Montparnasse, un long jeune homme mince, à la mèche rebelle qui lui barre le visage, aux cheveux longs, au teint pâle, arpente les rues. Ce jeune homme – le comte de Lautréamont, pseudonyme d’Isidore Ducasse –  tient sous son bras des livres de Dante, de Rabelais, dont il ne se sépare jamais. Il est né à Montevideo, en Uruguay, le 4 avril 1846, d’un père aventurier, dandy, grand coureur de jupons, et qui ne supporte pas ce fils renfermé, volontairement fagoté comme un épouvantail, et qui se met dans des colères aussi soudaines qu’effrayantes.

    Les Chants de Maldoror

    À l’âge de quatorze ans, Isidore s’est montré si insupportable envers son entourage que son dandy de géniteur a décidé de l’envoyer faire des études en France. Il a pu ainsi prendre ses distances par rapport aux jésuites qui l’ont fait souffrir. À Tarbes, à Pau, puis à Paris, il substitue peu à peu à l’étude des mathématiques qui le passionnent la lecture, du matin au soir, et puis l’écriture. Il s’enferme pour mener à bien son sacré bouquin – ainsi appelle-t-il Les Chants de Maldoror qui paraissent quelques mois avant sa mort mystérieuse dans le dénuement et la solitude, à vingt-quatre ans, le 24 novembre 1870, 7 rue du Faubourg Montmartre à Paris.

    Une part du Trésor

    Les Chants de Maldoror, œuvre mystérieuse, énigmatique, étonnante, hallucinée, cruelle, violente, désarmante, enragée contre un Dieu créateur, « L’Eternel à face de vipère », met en scène toutes les colères imaginables contre tout ce qui existe, à travers un univers composé de cent quatre-vingt-cinq animaux nous révèle le philosophe Gaston Bachelard (1884 – 1962) qui a pris la peine de les dénombrer. Soyez prudent avant de vous aventurer chez Ducasse-Lautréamont, si leur porte est grande ouverte, elle se referme sur vous, hermétiquement, que vous vous y plaisiez ou non, et nul n’ayant trouvé la clé des Chants de Maldoror, il vous en faudra sortir par effraction, avec tous les risques de blessures possibles à l’imaginaire, ou les chances d’emporter une part du Trésor. Vous êtes prévenu. Rendez-vous quand vous aurez tout lu… Prêt ? Voici votre entrée dans la fournaise : le début de la strophe 2 du chant premier – l’œuvre en compte six…

     

    Chant premier, strophe 2

    « Lecteur, c’est peut-être la haine que tu veux que j’invoque dans le commencement de cet ouvrage ! Qui te dit que tu n’en renifleras pas, baigné dans d’innombrables voluptés, tant que tu voudras, avec tes narines orgueilleuses, larges et maigres, en te renversant de ventre, pareil à un requin, dans l’air beau et noir, comme si tu comprenais l’importance de cet acte et l’importance non moindre de ton appétit légitime, lentement et majestueusement, les rouges émanations ? Je t’assure, elles réjouiront les deux trous informes de ton museau hideux, ô monstre, si toutefois tu t’appliques auparavant à respirer trois mille fois de suite la conscience maudite de l’Éternel ! Tes narines, qui seront démesurément dilatées de contentement ineffable, d’extase immobile, ne demanderont pas quelque chose de meilleur à l’espace, devenu embaumé comme de parfums et d’encens ; car, elles seront rassasiées d’un bonheur complet, comme les anges qui habitent dans la magnificence et la paix des agréables cieux. »

    Génial ou fou ?

    Léon Bloy (1846 – 1917), auteur de La Femme pauvre) déclare en lisant Les Chants de Maldoror : Lautréamont est un fou. En 1910, Valéry Larbaud (auteur de Fermina Marquez, en 1911), Léon-Paul Fargue (1876 – 1947), poète surréaliste, et surtout Max Jacob affirment, eux : Lautréamont est un génie ! À votre tour, en le lisant, de vous faire une opinion. Un petit conseil cependant : faites confiance à Max…

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