• Marguerite de Navarre, la grande sœur de François Ier

    by  • 5 avril 2014 • Extraits, Jadis ou naguère • 0 Comments

    Nérac (Lot-et-Garonne)

    Nérac (Lot-et-Garonne)

     

    « Douce, gracieuse, ne dédaignant personne », ainsi apparaît Marguerite de Navarre, sœur bien aimée de François 1er, dans l’oeuvre du mémorialiste Brantôme. Elle naît en 1492 au château d’Angoulême, deux ans avant son frère François. Elle grandit à Cognac, puis à Blois. Brantôme précise encore qu’elle s’adonne fort aux lettres dès son jeune âge. À dix-sept ans, elle épouse Charles d’Alençon, mariage sans passion, sans joie, sans enfants, qui dure seize ans – d’Alençon meurt après sa fuite à l’issue de la désastreuse bataille de Pavie en 1525, François 1er étant emmené captif à Madrid. Remariée en 1527 à Henri d’Albret, roi de Navarre, elle donne naissance à Jeanne, future mère du premier roi Bourbon : Henri IV, le Vert Galant ! Elle nous laisse l’Heptaméron, qui rassemble soixante-douze nouvelles d’une écriture étonnamment moderne et efficace.

    Au secours, Marguerite !

    Marguerite d’Angoulême – qui devient après son mariage avec Henri d’Albret, Marguerite de Navarre – intervient souvent auprès de son frère François pour sauver des griffes de la Sorbonne les humanistes menacés.

    La trinité

    À la cour de François 1er, à partir de 1515, lorsqu’on parle de la trinité, ce n’est pas celle des livres saints. Cette trinité est plutôt un triumvirat – une association de trois personnes détenant un pouvoir ou une influence – : il rassemble François 1er, le roi, Marguerite, sa sœur, et Louise de Savoie, sa mère. La pauvre reine Claude, pourtant si admirative de son grand roi (1 m 98…) est tenue à l’écart ! Cette trinité gouverne jusqu’à la disparition de Louise, en 1531. Marguerite est une mystique. Elle est hantée par l’idée du néant. Dès 1518, l’évêque de Meaux, Guillaume Briconnet, lui propose alors une nouvelle façon de lire la Bible, qui privilégie le contact immédiat avec la sainte parole, plutôt que le recours aux médiateurs que sont les prêtres catholiques. Le protestantisme est en train de naître.

    François adore sa soeur

    Tous ceux qui partagent ses idées se réfugient auprès d’elle. François 1er qui adore sa sœur est favorable à cet embryon de religion réformée. Mais il va devoir sévir contre ceux qui la promeuvent après l’affaire des Placards en 1534. Cela n’empêche pas Marguerite d’intervenir régulièrement auprès de son frère afin de sauver ses amis menacés, ou bien de les sortir des geôles lorsqu’ils lui lancent un appel au secours ! Elle protège ainsi Clément Marot, Étienne Dolet, Bonaventure des Périers, Pelletier du Mans, beaucoup d’autres poètes, humanistes, tous ceux qui tentent d’offrir à la spiritualité des voies nouvelles.

    Les délices de Nérac

    Les liens entre le frère et la sœur se distendent sans se rompre. Marguerite préfère s’éloigner de la cour, voyager dans le Midi, multiplier les séjours à Nérac où elle trouve la tranquillité, à défaut de l’affection de sa fille Jeanne qui n’aime guère sa mère, ou de l’amour de son mari Henri d’Albret aux cent maîtresses. C’est à Nérac qu’elle rassemble les nouvelles qu’elle a souvent composées lors de ses voyages. Passionnée par l’oeuvre de l’italien Giovanni Boccace, le Décaméron – rassemblant en dix journées de narration, cent nouvelles – elle a voulu écrire une sorte de Décaméron français. Mais, en 1549, à la mort de Marguerite, sur les cent nouvelles prévues, soixante-douze seulement sont publiées – on ne trouve pas trace d’autres textes, même si on pense que Marguerite avait terminé son œuvre. L’éditeur, connaissant le projet, intitule alors le recueil : l’Heptaméron (de hepta, sept en grec, qui désigne ici les sept journées de narration presque achevées).

    Une anecdote

    Deux moines agressent une batelière…

    Dans l’Heptaméron, Marguerite raconte qu’elle est en cure thermale à Cauteret, au bord du Gave Béarnais. Pour passer le temps avec ses amis – cinq hommes et cinq femmes, elle les invite chacun à raconter « quelque histoire qu’il aura vue ou bien ouï dire à quelque personne digne de foi ». Soixante-douze nouvelles vont donc se succéder ; les relations amoureuses entre hommes et femmes y sont longuement développées à travers des anecdotes souvent croustillantes d’où les commentateurs se font un devoir de tirer une morale honorable. Ainsi, l’histoire de cette batelière qui embarque deux moines cordeliers dans sa barque. Ceux-ci se montrent plutôt entreprenants et lui proposent tous deux une relation qui n’a rien de spirituel. Sur le point de subir l’assaut des religieux, la femme, sans perdre son sang froid, leur expose un plan astucieux qui va lui permettre – leur affirme-t-elle – de les satisfaire pleinement l’un après l’autre, en des lieux séparés. Que vont décider les cordeliers ? La femme va-t-elle réussir à éviter cette agression ? Vous le saurez en lisant la cinquième nouvelle de la première journée…

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