Le règle du participe passé en colère !
by jjj • 24 janvier 2014 • Une règle par jour • 0 Comments
Extrait de « Plus que parfait, petit précis sur l’art de bien conjuguer », éditions First, 2008.
« Laissez-moi parler, laissez-moi… Mais enfin, laissez-moi passer, je veux m’exprimer, moi toute seule, moi la règle de l’accord du participe passé ! Je ne tolérerai pas qu’ici, dans cet espace de liberté, loin des linguistes patentés, compliqués, on parle à ma place ! Laissez moi dire… Je suis une martyre, une torturée, une crucifiée, on me fait souffrir, on me tire dessus, on me tue !
Et tout le monde s’y met : les enfants, les parents, les enseignants ! Oui, les enseignants ! Pas ceux de français, bien sûr (encore que…), mais les autres (pas tous… allons, n’exagérons rien)…
Et les hommes politiques alors, ils me ridiculisent en public, devant tout le monde (pas tous, bien sûr, pas tous) !
Les journalistes se soucient de moi comme de leur première chemise (pas tous, évidemment, pas tous, je le sais) …
Ah, que j’en entends, que j’en ai entendu, des choses de ce genre : Ces lettres que j’ai écrit… Ces fleurs que j’ai offert… Tudieu ! Pardonnez ma colère, c’est la première fois que je m’exprime en public, je suis un peu émue, troublée… Tudieu ! Ce n’est quand même pas difficile de chercher le complément d’objet direct du verbe écrire ! J’ai écrit quoi ? Que, mis pour Ces lettres ! Que est COD du verbe écrire. Et ce Que COD est placé avant le verbe. Il représente lettres, lettres qui est du féminin ! Donc j’effectue l’accord : Ces lettres que j’ai écrites !
Même recherche pour le verbe offrir : je cherche le COD. J’ai offert quoi ? Que, mis pour les fleurs ! Donc, on dit Les fleurs que j’ai offertes, puisque le COD est placé avant et que, jusqu’à preuve du contraire, le mot fleur est du genre féminin !
C’est tout simple ! Et ce n’est pas par méchanceté qu’on m’a fait naître ! C’est tout simplement pour que, dans la transmission de l’information, tout soit clair, précis, sans risque d’erreur, sans ambiguïté ! On accorde le participe passé avec le mot qui se sent et se sait concerné par lui, s’il se trouve dans la phrase, placé avant le verbe. Si ce verbe est l’auxiliaire avoir, on accorde donc le participe passé avec le COD placé avant. S’il s’agit de l’auxiliaire être, on accorde le participe passé avec le sujet.
Est-ce vraiment difficile, tout cela ? Ou bien les neurones modernes sont-ils engorgés par les boissons pétillantes et le brillant des écrans au point de ne plus faire cet effort, ce tout petit effort qui consiste à respecter un code commun à tous, afin que tout le monde se comprenne de la même façon ?
Certains veulent simplifier ma règle ! Simplifier quoi ? Veut-on la faire devenir indigente ? Et qu’est-ce que cette prétendue complication en regard des règles de mathématiques ?
Leur cherche-t-on des poux à ces règles de mathématiques, aux formules d’algèbre, de géométrie qui peuvent illustrer le plus extrême degré de la complexité ? Va-t-on élaguer le théorème de Pythagore sous prétexte que les élèves et les adultes le trouvent difficile à comprendre et à appliquer ?
Alors, pitié, pitié pour moi, règle de l’accord du participe passé ! Apprenez à mieux me connaître, à bien m’employer, à me respecter ! Il y va de la clarté, de la qualité de votre communication. Tout est simple et clair dans ce que je propose. Il suffit de prendre le temps de me lire, de me pratiquer un peu, de s’exercer sur les cas litigieux, indécis. En peu de temps – le temps d’un téléfilm à la télé -, vous voici performant !
Alors, vous direz, sans hésiter : On m’a offert la possibilité de m’améliorer, et cette possibilité qu’on m’a offerte, je l’ai mise au service de la qualité de mon langage – l’avez-vous remarqué ? Vous venez d’utiliser trois participes passés, coup sur coup, sans commettre d’erreur ! Bravo ! Vous le voyez bien : me séduire, puis m’épouser, ce n’est pas si difficile ! Nous serons heureux, et nous aurons plein de petits participes passés qui galoperont dans nos phrases, toujours bien mis, toujours d’accord… »