• Langue française, vous êtes difficile !

    by  • 23 janvier 2014 • Une règle par jour • 0 Comments

    La Vierge à l'enfant - Jean Fouquet (1415 - 1481) - Musée des Beaux -Arts d'Anvers. Agnès Sorel servit de modèle pour cette Vierge à l'enfant.

    La Vierge à l’enfant – Jean Fouquet (1415 – 1481) – Musée des Beaux -Arts d’Anvers. Agnès Sorel servit de modèle pour cette Vierge à l’enfant.

    Moi ? Difficile ? Ça suffit ! Ronchons du nord, grognons du sud, bougons de l’est et de l’ouest, insupportables grommeleurs du centre et de partout, c’est à vous que je m’adresse : vous me trouvez difficile, vraiment ? Moi, votre servante fidèle, toujours prête à exprimer vos désirs, vos espoirs, et même vos grosses colères, vos petits énervements, moi, difficile ? Enfants de France et de partout, parents ou aïeux qui me dénigrez à qui mieux mieux, que me reprochez-vous, exactement ?

    Votre orthographe est illogique

    Mon orthographe illogique ! Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Connaissez-vous des orthographes logiques ? Et de quelle logique parle-t-on ?

    Sur le bout des doigts…

    Lorsque  je vous propose l’orthographe « doigt », vous êtes tenté de me dire que le « g » et le « t » sont illogiques. On devrait écrire : « doi ». Eh bien si vous voulez. Dites-moi alors comment vous allez faire la différence entre ce « doi » mis au pluriel : « dois » et le verbe devoir : « je dois », « tu dois ». Et si on n’enlevait que le « g » ? Quelle différence entre le « un doit » et « il doit » ? Ma logique à moi, c’est de vous éviter à l’écrit tout ce qui peut perturber le sens d’un mot, d’une phrase.

    Une langue au cœur brisé

    Ma logique c’est aussi de vous rappeler discrètement que le mot que vous écrivez possède une histoire souvent très ancienne. Ainsi, le « gt » de « doigt » vous conduit tout droit jusqu’au latin « digitus », et vous comprenez alors que chaque terme possède des sources très lointaines qui irriguent le grand fleuve du sens. Coupez ces sources, ôtez toutes les lettres qui vous semblent « illogiques » ou superflues et vous obtiendrez une écriture sèche, cassante, anguleuse, sans âme et sans passé, une langue au cœur brisé.

    Un verre, un vers, un ver…

    Tenez, voici quelques autres exemples de ces choix orthographiques destinés à vous éviter l’erreur, le ridicule, et tous ces doutes agaçants qui ralentissent la communication : la « cour » de récréation n’est pas le « cours » d’anglais qui n’est pas la chasse à « courre » où le cerf « court » et se dit : Il faut que je « coure » plus vite encore, et que toi, chasseur, tu « coures » moins vite !

    Le roi Charles VII appose son « seing » (sa signature) au bas d’un parchemin pendant que sa maîtresse Agnès Sorel « ceint » (entoure) sa chevelure d’un joli ruban sans s’apercevoir que Jacques Cœur qui n’est pas un « saint » lorgne son « sein » sorti prendre l’air par inadvertance.

    Encore un exemple ? Au bord de la Seine, Paul Verlaine remplit son « verre » pour écrire un « vers » (en poésie), les pieds dans des chaussons de « vair » (fourrure) « vert », pendant qu’un pêcheur accroche un « ver » à son hameçon.

     

    Pfff… Quelle mauvaise foi !…

    Oui, je vous entends, vous dites que je suis de mauvaise foi, que je cache soigneusement certaines orthographes « illogiques » telles celles des verbes commençant par « ag » qui ne prennent qu’un « g », sauf… Ah, ce fameux « sauf » qui introduit les exceptions et me met en accusation ! Sauf : agglomérer, agglutiner, aggraver. Illogique, dites-vous ?

    Pour « votre » logique de la ressemblance, oui : pour vous, deux sons qui se ressemblent doivent d’écrire de la même façon. Donc, un seul « g » pour tous les mots commençant par « ag » ? Non…

    Pour moi, dans « ma » logique des sources de la langue, je remonte l’orthographe de « agglomérer, agglutiner, aggraver », et je trouve leur image existant déjà avec leurs deux « g » voilà deux mille ans, en latin, chez les Romains.

    Et si je remonte le cours de « agrandir » qui ne prend qu’un « g », je n’irai pas plus loin que l’an 1260, puisque c’est là qu’il surgit dans notre langue, au temps de Louis IX, dit saint Louis.

    Le saviez-vous ?

    Ce que racontent les mots…

    Pousser la porte d’un mot, c’est entrer dans son histoire, et cette histoire justifie la façon dont on l’écrit. Cette recherche des racines du mot et des traces qu’elles ont laissé porte un nom qui vous deviendra familier : l’étymologie. Allons, répétez-le afin de l’apprivoiser : é – ty – mo – lo – gie, étymologie. L’étymologie vous fait voyager dans le temps et dans l’espace. Vous voyagez jusque dans l’antiquité, mais aussi vous accompagnez les explorateurs, les marchands, les voyageurs, les conquistadores ! Ils rapportent de Chine le ketchup (mais, si, le mot ketchup vient de Chine !) ; d’Inde, ils reviennent avec le shampooing, le bungalow et le baba ; du Mexique, il arrivent avec la tomate, le chocolat, la cacahuète… D’Inde encore, voici le « sifr » qui va donner deux mots fort utiles à nos comptes : le zéro et le chiffre !

    Irrationnelle…

    Tout s’explique. Rien n’est mystère dans l’orthographe, ou si peu… Parce que, oui, je vous l’accorde, de temps en temps, je fais des caprices : je veux qu’on écrive rationnel avec deux « n », et rationalité avec un seul « n », professionnel avec deux « n » et professionnalisme avec … deux « n » aussi ! Traditionnel avec deux « n » et traditionalisme avec un seul « n ». Eh oui, je suis un peu irrationnelle…

    Je suis à l’image des humains

    Et alors, oui, j’ai mes petites manies ! Et vous, n’en avez-vous pas ? Ne faites-vous point de temps en temps un petit caprice ? Eh bien voilà : moi-même, langue française, je suis à l’image des humains qui m’ont inventée, je me laisse aller à des caprices qui n’en sont pas, car si vous prenez la peine d’approfondir un peu ces « anomalies », vous leur trouverez toujours un justification au fil de leur histoire – de même que vos caprices ont toujours une cause.

    Musclons notre cerveau

    Ecrivez un ou deux « g » à la place des pointillés

    Samy Nerve n’aime pas rouler lentement en a….lomération

    Sa sœur Aimée Nerve a….rafe des feuilles

    Sa cousine Emma Énervé est malade, et son cas connaît une a….ravation

    Jonathan Queça a provoqué l’a…lutination de ses chamallows en les posant près du feu

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