• Jacques Peletier du Mans renonce à sa réforme de l’orthographe

    by  • 26 janvier 2014 • Poème quotidien • 0 Comments

    Jardins Jacques-Peletier, Le Mans.

    Jardins Jacques-Peletier, Le Mans.

    Vous venez de gagner un milliard (de centimes) d’euros, ce qui est bien, mais savez-vous que Jacques Peletier du Mans y est pour quelque chose, et que vous devez lui être infiniment reconnaissant – sinon vous n’eussiez compté qu’en millions vos ronds. Car Jacques Peletier du Mans, né… au Mans en 1517, véritable esprit de la Renaissance qui s’intéresse à tout, mathématicien passionné qui va publier de nombreux ouvrages ayant pour sujet l’algèbre ou la géométrie, médecin curieux du corps, soucieux d’en réparer les désordres avec les moyens de l’époque, mais aussi par des procédés de son invention, grammairien qui veut donner à la langue française un statut de langue nationale, inventeur d’un nouveau système graphique, fondé sur des signes phonétiques – système exposé dans Dialogue de l’ortografe e prononciation françoise (1550) qui ne réunit guère de convaincus, Jacques Peletier du Mans, donc, a inventé le mot « milliard ». CQFS : ce qu’il fallait savoir.

     

     

    Révolution pacifique

    Ce que vous savez aussi, c’est qu’il joue un rôle capital dans la naissance de La Défense et illustration de la langue française – il en donne l’esprit dès 1545 dans la préface de son Art poétique traduit d’Horace. C’est lui l’âme de la Révolution pacifique qui fait entrer tout doucement dans les mœurs et les habitudes d’écriture le français que nous parlons aujourd’hui. Alors, pourquoi ne figure-t-il pas en tête de liste des sept de la Pléiade ? Eh bien, parce que Peletier du Mans est un modeste, un vrai penseur, un intellectuel pur que l’idée de gloire n’effleure même pas. Peletier aime le changement, le voyage.

    Lui aussi, Louise ?…

    Il séjourne dans les grandes villes où il perfectionne son savoir déjà encyclopédique : Poitiers, Bordeaux, Lyon. Ronsard l’a inscrit pendant plus de vingt-cinq ans dans son cercle d’étoiles, la Pléiade – avant que Dorat le remplace. On aura tout dit de lui lorsque vous saurez que lui aussi fréquenta les Lyonnais, et que, parmi ces Lyonnais, la Lyonnaise Louise Labé lui tourneboula le cœur… Baise m’encor, rebaise-moi et baise… Qui sait, c’était peut-être pour lui ! Peletier meurt pauvre, mais toujours aussi savant en 1582.

    Plaisir de lire

    Ne touche pas à mon orthographe !

    Après de multiples essais de réforme de l’orthographe, Jacques Peletier du Mans se rend compte que les Français sont très attachés à une orthographe unique – à quoi bon en avoir trente-six… – et défend qu’on la modifie !

    Ceux qui entreprennent de corriger notre orthographe – autant que je puis connaître leur intention et fantaisie – ne tendent à autre fin qu’à rapporter l’écriture à la prononciation, et, par ce moyen, ils tâchent à en ôter la superfluité abusive qu’ils disent y être. S’ils le font en faveur des Français, il m’est avis qu’ils ne leur font pas si grand plaisir comme ils le pensent, car les Français, pour être de si longtemps accoutumés, assurés et confirmés en la mode d’écrire qu’ils tiennent de présent, sans jamais avoir entendu parler de plainte ni de reforme aucune, se trouveront tout ébahis et penseront qu’on se veut moquer d’eux de la leur vouloir ainsi ôter tout d’un coup […] Si vous introduisez une nouvelle façon d’orthographe il faut qu’à toutes sortes de gens vous ôtiez ainsi la plume des mains ou, ce qui ne vaut guère mieux, que vous les mettiez à recommencer : tellement qu’au lieu de les gratifier, vous les mettrez en peine de désapprendre une chose qu’ils trouvent bonne et aisée, pour en apprendre une longue, fâcheuse et difficile et qui ne leur pourra apporter que confusion, erreur et obscurité.

     Jacques Peletier du Mans

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