• Le pilote Pivot

    by  • 14 décembre 2013 • Jadis ou naguère • 0 Comments

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    Qu’il faisait bon s’installer devant son poste de télévision, le vendredi soir, dans les années soixante-dix et quatre-vingt – plus exactement, entre le 10 janvier 1975 et le 22 juin 1990 ! L’émission qu’on attendait – Apostrophe – commençait vers vingt et une heures trente, après un extrait du concerto n°1 en fa # mineur de Rachmaninov, interprété par Byron Janis, avec l’orchestre philarmonique de Moscou, dirigé par Kirill Kondrashin –  puisque vous voulez tout savoir… On voyait alors apparaître un Bernard Pivot tout guilleret, heureux comme un pilote d’A 380, tout excité à l’idée de faire s’envoler les passagers de son plateau télé vers les lecteurs prêts à les accueillir en leur salon, comme on accueillerait des êtres venus tout droit d’une autre galaxie – d’ailleurs, quand on voyait Modiano, on se disait qu’effectivement, cet écrivain-là était sûrement en transit sur terre, et qu’il allait regagner dès la fin de l’émission une planète où l’attendait le Petit Prince pour une converstion sans mots, sur le silence du couchant.

    Bref, l’épatant Pivot nous accordait ainsi le privilège de vivre des heures de vrai bonheur, déboulonnant parfois avec ses phrases à l’emporte-pièce les piedestals de solennité que certains jugeaient bon d’apporter avec eux. On se rendait bien compte, de temps en temps, qu’il éprouvait une immense sympathie pour certains, qu’il entretenait avec d’autres une complicité jubilatoire, que d’autres encore l’agaçaient. Il était sincère, Pivot, passionné, passionnant, si persuasif ! Il arrivait même qu’ayant acheté le lendemain un livre d’Apostrophe, on ne se pressât pas de l’ouvrir, tant on avait l’impression de l’avoir lu d’un bout à l’autre. L’avoir vu pouvait suffire… pendant quelques jours. Alors pouvait commencer l’histoire d’amour pour un style tout neuf, envoûtant ou décoiffant. Flamboyant ! Après Apostrophe, il y eut Apostrophe bis : Bouillon de culture, de 1991 à 2001. Le même Pivot, le même entrain. Et depuis ? Plus rien ! D’autres émissions existent, certes, excellentes – et tardives ! Mais il subsiste en nous, avouons-le, comme une nostalgie, une faim…

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