• Vient de paraître : Le Cheval en 60 poèmes, éditions Pocket

    by  • 23 novembre 2013 • Poésie, Ses livres • 0 Comments

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    Étrange image  que celle du cheval. Animal, certes, mais indécis dans son statut : essaie-t-on de l’approcher sans le connaître, il prend ses distances, vous fait comprendre qu’il vous juge impur dans l’étendue de son espace, obstacle à ses courses soudaines, ses roulements de tambour sur la terre durcie.
    Il vous devine voleur de saisons, capable de limiter son pas à l’utilité végétale, à la course tarifée, avant de le dépecer en unités comestibles…
    Il vous évalue, instruit votre cas, puis vous donne en ruades et pétarades son verdict. Ou bien, curieux, vaguement inquisiteur, et plus hardi que soupçonneux – presque humain – l’animal cheval vous fixe, de loin, vous attire, vous hypnotise et vous fait franchir vos propres limites en même temps que ses frontières. Vous voilà admis dans la portée de son regard, invité à l’approche soumise. Votre instinct vous dépouille en urgence de tout ce que l’humain possède de pataud, dans le pas ou l’esprit. Le cheval vous accueille, vous instruit de vous-même, vous devenez meilleur avec lui. Vous êtes son ami.
    Voyez son œil bienveillant, indulgent, lorsque vos impatiences s’emmêlent dans son harnais, ses guides et ses courroies, lorsque vous avancez, terrien lourd et lent, pendant que lui, même au pas semble encore tout ailé de sa course sans fin.
    Facile de monter un cheval, mais bien malin qui s’élève à la hauteur de son image. Faut-il pour cela s’emplumer et chercher dans cet attirail pour petits vols quotidiens, l’outil du romancier, de l’essayiste, du dramaturge, la griffe du journaliste ? Ou plutôt le pinceau du poète ? Peut-être…
    Prince de l’ailleurs, distant, inaccessible sans doute, le cheval. Esclave ? Jamais ! Même celui qui tourne le manège ou tire la charrue ? Non. Son corps peut-être, mais son regard, avez-vous croisé son regard au cœur de l’effort le plus humble ? C’est celui d’une créature hors des chaînes, libre, souveraine, et pleine d’une pitié qui confine au mépris pour l’être à deux pieds qui le juge sa « plus noble conquête » et se prend pour le roi du monde.
    Lecteur, à cheval !
    En selle sur les mots et leurs galops, sur les images qui s’emballent. Au pas, lecteur, au pas. Voyez comme vous êtes, en même temps, au bord du livre, impatient et sage ! Au fil des pages que voici, courant par là ou par ici, ou bien saisi dans une halte vespérale, le cheval vous devient familier. C’est comme si au fond de vous il se mettait à vivre et à ruer. Car le cheval en nous, rebelle et libre, c’est la pensée.

    Jean-Joseph Julaud

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