• Guillaume du Bartas : « Éloge à la lune »

    by  • 12 novembre 2013 • Extraits • 0 Comments

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    Extrait de « La Littérature française pour les Nuls ». Editions First, 2005

    La semaine de Guillaume du Bartas

    Guillaume de Saluste du Bartas ne s’appelait pas Guillaume de Saluste du Bartas, mais, plus simplement, Guillaume Salustre. Pourtant, qu’il est doux de se laisser emporter par ces petites coquilles de noix que sont les nobles particules, vers les îles enchantées de la noblesse où tout est politesses, et façons policées, mines bien farinées devant les petitesses. Petitesse de se laisser dire noble ainsi ? Peut-être… Mais là n’est pas la question, quoique…

    Salustre devient Saluste

    Donc, les Salustre ne sont point nobles, mais marchands, et protestants. Ils ont fait de bonnes affaires et se sont établis à Montfort, en Armagnac (Gers). Lorsque Guillaume naît, en 1544, son père se dit que l’échelle sociale passe plus facilement par des noms illustres, et il modifie Salustre en Salluste ou Saluste – c’est le nom d’un fameux historien romain, protégé de Jules César… Puis, le père Saluste achète la terre du Bartas qui lui permet de devenir le sieur du Bartas. Le convoi patronymique est donc complet – de Saluste du Bartas -, la grande histoire de Guillaume peut commencer.

    Un succès européen !

    Elle commence tristement : son père meurt en 1566. mais à toute chose malheur est bon : voilà Guillaume de Saluste du Bartas dispensé de tout souci matériel. De plus, il n’aime pas la guerre et le confesse volontiers. Ses occupations ? La poésie ! Il n’aime que versifier. Il fréquente la cour de Nérac, en Navarre – celle de Jeanne d’Albret,  rappelez-vous, elle est la fille de Marguerite de Navarre, sœur de François 1er –  eh oui, prenez des notes, de temps en temps ! En 1578, il publie son œuvre majeure : la Semaine. Aussitôt, c’est un succès foudroyant, non seulement en France, mais dans toute l’Europe ! Les rééditions se succèdent et atteignent le nombre jamais vu de soixante-dix en vingt ans !

    Une encyclopédie !

    Mais que contient donc ce livre magique qui aimante tous les regards en cette fin du XVIème siècle, et peut nous laisser aujourd’hui un peu perplexes ?… Il s’agit d’une réécriture en sept mille alexandrins de la Genèse, le livre de la création dans la Bible. L’imagination de du Bartas y est tellement brillante, tellement habile et astucieuse, décrivant le monde biblique et le monde réel en même temps, y ajoutant mille anecdotes et précisions quasi scientifiques, qu’on a pu parler d’une véritable encyclopédie !

    Plaisir de lire

    J’ai demandé à la lune…

    Éloge à la lune – Ô le second honneur des celestes chandelles, / Asseuré calendrier des fastes eternelles, / Princesse de la mer, flambeau guide-passant, / Conduy-somme, aime-paix, que diray-je, ô croissant, / De ton front inconstant, qui fait que je balance / Tantost ça tantost là d’une vaine inconstance, / Si par l’oeil toutesfois l’humain entendement / De corps tant esloignez peut faire jugement, / J’estime que ton corps est rond comme une bale, / Dont la superficie en tous lieux presque égale / Comme un miroir poli, or dessus or dessous, / Rejette la clarté du soleil, ton espoux. / Car comme la grandeur du mari rend illustre / La femme de bas lieu, tout de mesme le lustre / Du chaleureux Titan esclaircit de ses rais / Ton front, qui de soy-mesme est sombrement espais.

    Guillaume du Bartas – La Semaine

    Du Bartas crée la mode du XXème siècle

    Du Bartas croule sous les honneurs, le roi Henri IV vient lui rendre visite chez lui – ce jour-là, la foudre même s’en mêle et tombe en plein milieu du dîner et de la salle des invités ! Une seconde Semaine est commencée qui ne sera jamais achevée – elle comptait pourtant quatorze mille vers, déjà… Du Bartas meurt le 28 août 1590. Deux décennies plus tard, on le trouve excessif, plein d’emphase, de démesure ; encore une décennie, et il est oublié, complètement ! Du Bartas inaugure ainsi une mode – l’écrivain adulé, puis complètement oublié –  qui trouvera son plein épanouissement dans les dernières décennies du XXème siècle…

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