Guignols de l’info : les fabliaux…
by jjj • 29 novembre 2013 • Extraits • 0 Comments
Extrait de La Littérature française pour les Nuls, éditions First, 2005 – Première partie : Le Moyen Âge fervent et farceur – chapitre 4 : Savoir conter.
Le prêtre qui lutine la femme du laboureur, le seigneur qui tente de la séduire, la femme elle-même calculatrice, habile, sournoise, menteuse… Le bourgeois riche trompé par un malin qui va, lui aussi, profiter des charmes de l’épouse délurée. La brave paysanne qui tente de graisser la paume d’un chevalier avec du saindoux, parce qu’on lui a dit que, si elle voulait récupérer sa vache perdue, il fallait justement graisser la paume de celui qui la retenait, c’est-à-dire lui donner un gras pourboire… L’opulence dénoncée, l’injustice soulignée, les excès du pouvoir politique… Tout cela est mis en récit (du XIIe au XIVe siècle) de façon amusante, efficace – tradition poursuivie aujourd’hui par les Guignols de l’info… Le fabliau du Moyen Âge est bref, il est destiné à être dit en public, sur les places, dans les auberges, au cours de banquets ou réjouissances diverses. Il doit faire rire, ou réfléchir, dès les premières phrases. À la fin du récit, la morale est sauve (en général, car il peut se faire qu’elle s’adapte à une situation au lieu de se hisser jusqu’à ses principes généraux et absolus…) D’autres histoires développent une pédagogie appuyée de la morale familiale, telle celle du fils ingrat qui chasse son père.
Plaisir de lire
La couverture partagée
Guillaume, le riche marchand a donné tous ses biens à son fils Gauthier. Il l’a marié à la fille d’un noble sans fortune. Gauthier jure qu’il prendra soin de son père jusqu’à sa mort. Les années passent. Un fils naît au foyer. Guillaume le marchand est devenu très vieux, très maigre. Assis sur une chaise, près de la cheminée, il suit, de son regard noyé de tristesse, les allées et venues de sa maisonnée. On ne lui parle plus. La femme de Gauthier ne cesse de se demander combien de temps elle va devoir supporter encore ce vieillard inutile. Elle le rudoie. Gauthier chasse alors son père de chez lui. Donne-moi quelque chose à manger, supplie celui-ci, laisse-moi au moins emporter une couverture, où vais-je dormir ? Il fait si froid … La couverture de ton cheval, seulement celle-ci…
Pour se défaire de son père, Gauthier ordonne à son jeune fils d’aller chercher la couverture du cheval noir, celle qui est neuve et bien chaude. L’enfant la coupe en deux. Il en donne la moitié à son grand-père. Comment, lui dit son père, n’as-tu pas honte ? Donne-la lui toute entière ! L’enfant répond alors : Non, mon père, j’en garde la moitié pour toi, quand tu seras vieux !… Gauthier comprend la leçon. Il reprend son père chez lui et le soigne fidèlement jusqu’à la fin de ses jours.
Fabliau du Moyen Âge