• L’affable La Fontaine, première partie

    by  • 26 septembre 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

    La Marne à Château-Thierry

    La Marne à Château-Thierry

    L’affable La Fontaine

    …ou bien La Fontaine, l’homme affable ; ou bien encore la fable La Fontaine ; une telle mise à distance par le chevauchement du sens des mots où l’on devine un fabuliste à la fois fort civil et fabuleux, distant, préoccupé d’un vers qui se refuse, où traversé des images de feu qui sous ses contes licencieux étouffent, est facile et tentante… Bienvenue, Bonhomme Jean ! Tout le monde vous connaît, porte en soi votre corbeau et son renard, votre loup et son agneau, et tous ces animaux que nous sommes, nous les hommes. Nous vous suivons à la Cour d’injustice et de brigue, dans les campagnes où l’on se dévore, dans les basses-cours aux petits coqs insupportables, nous plaignons vos cerfs, et le pot de terre. La mort passe. Une laitière s’effondre. Un laboureur se meurt. Le petit poisson et le pêcheur discutent sous l’aile de la colombe… Silence !  On réclame l’auteur. En scène, Jean, on vous attend

     

    De Chaury à Paris

    Ce jeudi 8 juillet 1621 a été baptisé en l’église Saint-Crépin de Château-Thierry, Jean, fils de Charles La Fontaine, conseiller du roi et maître des Eaux et forêts du duché de Château-Thierry, et de Françoise Pidoux. Jour d’octobre 1641, on ne sait lequel mais on s’émeut au souvenir du père de Jean qui découvre les vers que son fils vient d’écrire, à onze ans. Dimanche 10 novembre 1647, Jean de La Fontaine, vingt-six ans, signe à La Ferté-Milon en Picardie, son contrat de mariage avec Marie Héricart, quatorze ans. Le mari a suivi des études à Château-Thierry, puis il a fait son droit à Paris où il a pour ami François de Maucroix devenu chanoine peut-être par chagrin d’amour, sûrement par intérêt. Jean et François aiment faire ribote et bambocher à Paris ou à Reims.

    Une anecdote

     

    Une épée à la main !

    Pendant ce temps, Marie, l’épouse demeure seule, délaisse son ménage, se plonge dans des romans de chevalerie et se distrait dans la compagnie d’un beau soldat, le capitaine Poignant. Jean n’en conçoit point de dépit, mais les bourgeois de Chaury (ainsi écrit-on Château-Thierry en raccourci à cette époque) lui demandent de châtier en un duel le voleur de son honneur. Jean une épée à la mai… On aura tout vu ! Pourtant, le voici, ce petit matin sur le pré, pendant que les brumes paressent à la pointe des herbes : on voit Jean de La Fontaine qui pointe vers le capitaine Poignant son arme à la façon dont il tiendrait une plume distraite désertée par l’inspiration.

    Jean glisse…

    Jean glisse, Jean tombe, Poignant ne peut éviter que son épée ne déchire le gras des chairs de Jean qui saigne… Est-ce grave ? Perrette et la Belette, le Lièvre et l’Âne, la Chèvre, le Bouc et les Pigeons retiennent leur souffle… Sauvés ! Jean se relève, remercie Poignant, et le cœur sur la main,  menace de le tuer s’il ne s’occupe intimement de Marie, sa femme ! Etrange Jean de La Fontaine. Etrange.

    Le Vaux de Fouquet

    Jeudi 30 octobre 1653, en l’église Saint-Crépin de Chaury, est baptisé Charles, fils de Jean et Marie de La Fontaine. François Maucroix en est le parrain. C’est lui qui va élever l’enfant tant les parents sont inconséquents, distants au point de se séparer  en 1659. Cinq ans plus tôt, en 1654, a débuté la carrière littéraire de Jean : il a publié l’Eunuque en imitant un poète comique latin, Térence. En 1660, Jean brille dans la lumière du très provisoire ministre des finances de Louis XIV, Nicolas Fouquet, qui lui a commandé des poèmes à sa gloire. Le mercredi 17 août 1661, Fouquet reçoit dans son château de Vaux-le-Vicomte, le roi trop ébloui par les artifices, et qui voit rouge au point d’ordonner, le lundi 5 septembre suivant, l’arrestation à Nantes dudit Fouquet, coupable de spéculations éhontées effectuées en compagnie de Colbert, et qui ont enrichi Mazarin… Colbert, qui avait tout ourdi, devient le nouveau ministre des finances !

    Le saviez-vous ?

    La Fontaine au naturel, petits potins et ragots de jaloux

    Jean de La Bruyère qui admirait les œuvres de La Fontaine décrit ainsi le fabuliste en société : « Il était lourd, grossier, stupide ».

    Louis Racine, fils de Jean Racine, écrit que ses sœurs avaient vu La Fontaine à table dans leur jeunesse. Il livre le portrait qu’elles en faisaient : « C’était un homme fort malpropre et fort ennuyeux. Il ne parlait point, ou voulait toujours parler de Platon »

    L’Abbé d’Olivet décrit ainsi La Fontaine qu’on appelle alors, familièrement « le bonhomme » : « Un sourire niais, un air lourd, des yeux presque toujours éteints, nulle contenance. Rarement il commençait la conversation et même il était si distrait qu’il ne savait pas ce que disaient les autres »

    Madame de La Sablière hébergea La Fontaine pendant vingt ans à partir de 1672, lui évitant tout souci matériel afin qu’il se consacre entièrement à ses créations. Un jour, Madame de La Sablière entra dans une si grande colère contre ses domestiques qu’elle les congédia tous. À l’un de ses amis, elle écrit : « Je n’ai gardé avec moi que mes trois animaux : mon chien, mon chat et La Fontaine »…

    Un jour, La Fontaine entre en conversation avec un jeune homme qu’il trouve plein d’esprit et fort intelligent. Le jeune homme s’en va, et aussitôt, La Fontaine s’enquiert de son identité. On lui répond alors : « Mais, c’était votre fils !… » Et la Fontaine avoue, surpris : « Ah bon ? Je ne l’avais pas reconnu… »

    La Fontaine connaissait parfaitement le latin. Pour les textes en grec, langue qu’il ne savait pas lire, il faisait appel à des traducteurs. Parmi ces traducteurs, son cousin par alliance : Jean Racine…

    Gros plan sur une grande plume

     

    Lent, distrait, méticuleux

    La Fontaine demeure fidèle à son mécène Fouquet, ce qui l’éloigne des faveurs du roi et de la fréquentation de la cour. Après avoir publié des contes plutôt lestes, gaillards, il conduit pendant vingt-cinq ans à partir de 1668 sa carrière de conteur et de fabuliste lent, distrait, méticuleux, exigeant, inimitable. Plutôt cigale et peu soucieux de ses affaires, il a dilapidé presque tout son bien en 1672 et survit grâce à Madame de la Sablière. Le 15 novembre 1683, il est élu à l’Académie française, mais Louis XIV suspend l’élection à cause des cabales et du tumulte qui l’ont accompagnée. Le 17 avril 1684, Nicolas Boileau devient à son tour immortel. Le roi valide l’élection de La Fontaine, ami de Boileau. Le 10 février 1695, La Fontaine est pris d’un malaise en revenant de l’Académie. Le mercredi 13 avril, il meurt chez les d’Hervart qui l’hébergeaient rue Plâtrière à Paris.

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