• Chrétien de Troyes : chevaliers de la table ronde…

    by  • 24 septembre 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

    Au fond de cet étang, le château de cristal où fut élevé, par la fée Viviane, Lancelot.

    Au fond de cet étang, le château de cristal où fut élevé, par la fée Viviane, Lancelot.

    Chrétien de Troyes naît on ne sait trop où vers 1135 et meurt célèbre, comblé, en 1185, après avoir vécu à la cour de Marie de Champagne à Troyes. C’est de cette cour, grâce à Chrétien, que va se développer dans tout l’espace de la langue d’oil l’amour courtois des trouvères, héritier de la fin’amor des troubadours. Savez-vous qui est Marie de Champagne ? Oui, eh bien expliquons-le à ceux qui ne le savent pas… Puis nous ferons mieux connaissance avec Chrétien de Troyes.

    Gros plan sur une grande plume

     

    Fille de reine

    Quelle famille que celle de Guillaume IX ! Et encore, vous ne savez pas tout, son ascendance vous a été cachée : dans ses ancêtres, on trouve Rollon, le terrible chef viking qui pilla au Xe siècle une partie du territoire de la Francia du nord avant qu’elle devienne, avec l’accord du roi Charles III le Simple, le duché de Normandie. Et dans la descendance de Guillaume, vous connaissez déjà sa petite-fille, la belle, la superbe Aliénor d’Aquitaine, mais vous ignorez peut-être que du  roi Louis VII qu’elle  épousa en 1137, elle eut deux filles : Marie en 1145 et Alix en 1150. Marie, fille de reine, arrière-petite-fille de troubadour, devient  la comtesse Marie de Champagne. Elle tient à Troyes une brillante cour de lettrés, d’artistes, de poètes qui, pendant que les chevaliers, dont son mari Henri le Libéral, guerroient outre-mer, dissertent avec raison des délices de l’amour…

    L’art d’aimer

    Marie remarque à sa cour un jeune clerc fort lettré, imprégné de grec, de latin, et qui a brillamment traduit l’Art d’aimer d’Ovide : Chrétien de Troyes. Elle lui fait découvrir le poète français Robert Wace, né à Jersey en 1115, devenu chanoine de Bayeux et mort en Angleterre en 1175. Wace a lui-même lu l’auteur anglais Geoffrey de Monmouth qui a écrit une Histoire des rois de Bretagne où apparaît pour la première fois un certain roi Arthur ! Wace en a tiré, en 1155,  le roman de Brut, ou Brut d’Angleterre. Chrétien se dit que toute cette matière de Bretagne pourrait être accommodée à la façon courtoise – recette de Guillaume IX – , en respectant ce qu’il devine des attentes de Marie qui la lui a fait connaître. Pour adapter la légende du roi Arthur, il décide d’utiliser l’octosyllabe.

    Le saviez-vous ?

     

    Le vrai château de Camaalot…

    Voici donc cette matière de Bretagne : au château de Camaaalot, vers le Ve siècle (et non sur M6), vivent le roi Arthur et la reine Guenièvre. La reine Guenièvre est très malheureuse : elle vient d’être enlevée par le cruel chevalier Méléagant, souverain du royaume de Gorre qui a aussi capturé les chevaliers du roi Arthur Mais la reine Guenièvre a un amoureux : Lancelot du Lac soi-même ! Il se lance à la poursuite de Méléagant, et parvient à l’affronter sous les yeux de sa belle après avoir emprunté la charrette d’infamie.

    Lancelot humilié

    Méléagant est vaincu. La reine Guenièvre va être délivrée par Lancelot, mais, au lieu de lui manifester une folle reconnaissance, elle demeure de glace. Pourquoi ? Tout simplement parce que Lancelot a hésité le temps de deux pas avant de monter dans la charrette d’infamie qui l’a conduit au château de Méléagant ! La suite du récit montre combien s’épanouit l’idée que la femme doit gouverner en tout la relation qu’elle entretient avec celui qui la désire. Lancelot va se laisser humilier à plusieurs reprises encore avant de mériter sa belle. Ainsi se dessine le code des relations amoureuses qui nous régissent encore, à peu près…

    Le saviez-vous ?

    Un vrai roman

    Les récits de Chrétien de Troyes sont écrits en vers romans et non en vers latins. Dès 1160, ces récits contant les aventures fabuleuses de héros à mi chemin entre le réel et l’imaginaire, des romans. Dès le XIV siècle, l’écriture en vers fait place à la prose. Ainsi apparaît ce genre que nous connaissons et fréquentons aujourd’hui, le roman dont voici la définition actuelle : œuvre d’imagination en prose, assez longue ( ?…), qui fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels.

    Érec, Cligès, Yvain, Perceval

    Quatre autres romans de Chrétien de Troyes, également écrits en octosyllabes, traitent aussi de cette façon d’aimer :

    Érec et Énide (1165) L’action se passe à la cour du roi Arthur et met en scène un chevalier Érec qui tente de concilier son amour pour Énide avec la nécessité de sa vie professionnelle : accomplir des exploits.

    Cligès (1176) : Cligès aime Fénice, femme de son frère Alis. Celle-ci, pour ne pas appartenir à deux hommes – comme Iseut la Blonde appartient à Marc et Tristan – se fait passer pour morte afin de vivre sa passion en secret.

    Yvain ou le chevalier au Lion (1180) : mille exploits sont accomplis par les chevaliers pour les beaux yeux de leur belle. On n’oublie pas cependant les bons sentiments chrétiens : les chevaliers secourent, au fil de leurs prouesses, les faibles, les opprimés, la veuve et l’orphelin.

    Perceval ou le conte du Graal (1181).

     

    Amour, querelle et bataille

    Chrétien de Troyes nous a aussi laissé des chansons. Voici un extrait de la plus connue : Amour, querelle et bataille.

    Chanson de Chrétien de Troyes en roman

    Fols cuers legiers ne volages

    Ne puet rien d’Alors apprendre.

    Tels n’est pas li miens corages,

    Ainz sert senz merci attendre.

    Ainz que m’i cudasse prendre,

    Fu vers li durs et salvages.

    Or me plaist, senz raison rendre,

    K’en son prou soit mes damages

    Plaisir de lire

     

    Chanson de Chrétien de Troyes en français

    Un cœur insensé, léger, volage

    Ne peut rien apprendre d’Amour.

    Tel n’est pas mon propre cœur :

    Il sert sans espérer de récompense.

    Avant d’avoir songé m’éprendre,

    Je fus envers lui dur et sauvage.

    Il me plaît, sans en faire le compte,

    Qu’à son profit soit mon dommage.

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