Lorsque l’enfant paraît… Victor Hugo
by jjj • 14 août 2013 • Poème quotidien • 0 Comments
Aux antipodes de cette future confidence d’Alphonse Allais (1854 – 1905) : « Il y a des jours où l’absence d’ogre se fait cruellement sentir », Hugo écrit ce poème qui traduit son amour des enfants en général, celui des siens en particulier et surtout de Léopoldine. Dès le moindre bobo, il fait appeler le médecin. Il craint surtout le croup, autre nom de la diphtérie, dont beaucoup d’enfants meurent à l’époque ; et pour le prévenir, il fait avaler à Léopoldine un litre d’eau chaude par jour, ce qui tire bien des larmes (chaudes) à la pauvre enfant.
Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux.
Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d’un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l’appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher. (…)
Il est si beau, l’enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !
Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j’aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l’été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !
Victor Hugo – Les Feuilles d’automne, 1832