• Lamartine et son Lac, deuxième partie

    by  • 5 août 2013 • Extraits • 0 Comments

    Sous le ciel de Toscane...

    Sous le ciel de Toscane…

    Extrait de la Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010.

    Césarine, Suzanne, Byron…

    Après avoir quitté lac et rameurs, Lamartine se console avec une torride Italienne : Léna de Larche. Peu après, il rencontre Miss Marianne-Elisa Birch qu’il épouse le 6 juin 1820 à Chambéry. En 1821, un garçon naît au foyer – le petit Alphonse – qui meurt un an plus tard. Une fille, Julia, le remplace.  En 1823, il publie Nouvelles Méditations poétiques. Sa renommée s’étend à l’étranger. Mais le succès est assombri par la perte de ses deux sœurs en 1824, Césarine et Suzanne. La même année, le poète anglais Lord Byron (1788 – 1824), impétueux, passionné, idéaliste, exalté,  mélancolique et rêveur, bref, romantique en diable, meurt sur la terre du pays qu’il voulait libérer du joug turc : la Grèce. En France, cette mort « engagée » fascine la génération naissante des romantiques qui, depuis l’Empire, tourne en rond dans une morne réalité.

    Sous le ciel de Toscane

    Pendant dix ans, de 1820 à 1830, Lamartine mène une carrière de diplomate qui le conduit à Naples, en Angleterre, à Florence. Il prend régulièrement des congés qu’il passe dans le château de Saint-Point, en Bourgogne, près de Mâcon – son père lui en a fait cadeau. Il continue d’écrire toutes sortes de méditations diverses, en prose et en vers. De précieuses années de bonheur s’écoulent sous le ciel de Toscane. Lors de son séjour à Paris en 1829, Lamartine rencontre Hugo, Sainte-Beuve. Avec l’appui de Chateaubriand, il est élu à l’Académie française.

     

    Un peu de technique

     

    Les romantiques en cénacles

    Le romantisme naissant se structure et s’épanouit à travers des « cénacles », réunions de poètes partageant les mêmes idées sur la poésie nouvelle à construire. Le premier naît près de l’Île Saint-Louis, à Paris, rue de Sully, à la bibliothèque de l’Arsenal. Ce bâtiment faisait partie, depuis Henri II, de l’Arsenal du Roi, on y entreposait des armes et de la poudre à canon. En 1757, le bailli de l’artillerie y crée une bibliothèque riche de milliers de volumes. Parmi ses conservateurs, on trouve, en 1824, Charles Nodier (1780 – 1844), auteur de nombreux romans et nouvelles fantastiques – Smarra, Trilby, La Fée aux miettes…. Il rassemble autour de lui – et de sa fille Marie –  les premiers romantiques, créant le premier cénacle romantique qui accueille Lamartine, Vigny, Hugo, Musset, Félix Arvers.

    En 1827, Hugo affirme que la poésie doit prendre sa place dans la politique. Il rompt alors avec Nodier et crée son propre Cénacle, chez lui, rue Notre-Dame des Champs. Un troisième Cénacle apparaît en 1830, autour de Pétrus Borel et du sculpteur Jehan Duseigneur. On y rencontre Théophile Gautier qui le décrira dans son roman Les Jeunes-France (1833). Ce Cénacle s’installe en 1835, impasse du Doyenné où vit Gérard de Nerval. Il rassemble la bohème galante, ou bohème dorée, fortement influencée par le roman noir anglais. L’impasse du Doyenné devient un lieu de fêtes et d’excentricités en tout genre : on y boit dans des crânes pendant qu’on danse et banquette……

    Voici le banc rustique…

    Le tonnerre des Trois Glorieuses, fin juillet 1830, qui chasse Charles X le Bourbon et intronise Louis-Philippe d’Orléans, pousse Lamartine vers la députation, par fidélité aux Bourbons. Il lui manque dix-sept voix pour être élu. Il publie alors un nouveau recueil de poèmes : Harmonies poétiques et religieuses, où figure son célèbre chant d’amour pour la propriété familiale : Milly ou la terre natale : Voilà le banc rustique où s’asseyait mon père,  / La salle où résonnait sa voix mâle et sévère,  / Quand les pasteurs assis sur leurs socs renversés  / Lui contaient les sillons par chaque heure tracés,  / Ou qu’encor palpitant des scènes de sa gloire,  / De l’échafaud des rois il nous disait l’histoire,  / Et, plein du grand combat qu’il avait combattu,  / En racontant sa vie enseignait la vertu !(…) Puis il réalise un vieux rêve : un voyage en Orient, jusqu’en Terre Sainte. Juillet 1832 : il embarque à Marseille où la population lui fait un triomphe.

    La mort de Julia

    Sur « L’Alceste », un brick, long deux mâts qu’il a affrété pour son voyage, il emmène sa femme, des amis qui l’admirent, et Julia, sa fille, malade de tuberculose. Elle ne reverra jamais la France : elle meurt à Beyrouth, cinq mois plus tard, le 7 décembre 1832. Lamartine vit un désespoir profond, dont il ne se remettra jamais vraiment. Il écrit sur ce deuil des poèmes bouleversants : Gethsémani ou la mort de Julia. Il rentre seul en France. Pendant son absence, il a été élu député de Bergues, dans le Nord. Il va désormais prendre part à la vie politique, sans cesser d’écrire.

    Lamartine en œuvres

    Méditations poétiques – 1820

    Nouvelles méditations poétiques – 1823

    Harmonies poétiques et religieuses – 1830

    Le Voyage en Orient – où figure Gethsémani ou la mort de Julia – 1835

    Jocelyn – 1836. Un long poème de neuf  mille vers répartis en neuf époques, qui raconte le renoncement d’un jeune prêtre pour Laurence, la jeune fille qu’il aime. Cette œuvre est jugée pleurnicharde par de nombreux lecteurs, son héros fondant en larmes presque vingt fois…

    La Chute d’un ange – 1838. Douze mille vers, en quinze visions, où un ange gardien devenu homme vit mille épisodes malheureux portés par des vers qui le sont tout autant.

    Recueillements poétiques – 1839

    L’Histoire de Girondins – 1847

     

    Ta lyre est cassée, Lamartine !…

    Passé peu à peu du royalisme au républicanisme, il est aux premières loges de la Révolution, de février à juin 1848 et devient l’un des fondateurs de la deuxième République. C’est un remarquable orateur qui espère rassembler sous son nom tous les partis politiques. Sous les acclamations du peuple, il préfère le drapeau tricolore au drapeau rouge. Le même peuple le conspue sans ménagements trois mois plus tard au Palais Bourbon, lui lançant : « Assez de guitare ! Ta lyre est cassée, Lamartine !… » Les vingt années qui suivent sont pour le poète des années de gêne financière. Il spécule sur les terres, en poète… Il perd beaucoup d’argent, s’obstine, en perd davantage.

    Ruiné et pensionné

    En 1849, il publie les Confidences – en 1852, il en détache l’épisode qui raconte son aventure avec sa belle Napolitaine Antoniella, qu’il rebaptise Graziella ; ce roman, entre la fiction et l’autobiographie, remporte un grand succès.  Il écrit l’Histoire de la Restauration, des Constituants, de la Turquie, de la Russie… Tout cela est insuffisant pour combler le gouffre financier qu’il a creusé. Il vend la propriété de Milly en 1858. Sa femme – son soutien moral, son seul  appui –  meurt en 1863. Le gouvernement lui accorde en 1867, une pension nationale de deux mille cinq cents francs or – ce qui est aujourd’hui une somme considérable – et un chalet à Passy. Peu de temps après, il est victime d’une attaque d’apoplexie, perd la parole et la raison ! A ses côtés, veille sa nièce Valentine qu’il a peut-être épousée en secret. Une seconde attaque emporte le poète, le 27 juin 1869. Il meurt oublié, le regard fixé sur le crucifix d’Elvire.

    Lamartine en vers et prose

    Objets inanimés, avez-vous donc une âme / Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? – Milly, ou la terre natale, dans Harmonies poétiques et religieuses

    Salut, bois couronnés d’un reste de verdure / Feuillages jaunissants sur les gazons épars / Salut, derniers beaux jours ! – Méditations poétiques

    Borné dans sa nature, infini dans ses vœux / L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux – Méditations poétiques

    On admire le monde à travers ce qu’on aime – Jocelyn

    Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé – L’Isolement (Méditations)

    Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute – Toussaint Louverture

    La France est une nation qui s’ennuie – discours du 10 janvier 1839

    J’aimais, je fus aimé : c’est assez pour ma tombe ; / Qu’on y grave ces mots, et qu’une larme y tombe ! – Le Dernier Chant du pèlerinage d’Harold (reprise du héros de Byron en 1825)

    Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître ?  – Méditations poétiques

     

    Ce qu’ils ont dit de lui

    Lamartine, c’est le plus grand des Racine, sans excepter Racine – Victor Hugo (1802 – 1885)

    Lamartine rêve cinq minutes, et il écrit une heure. L’art, c’est le contraire – Jules Renard (1864 – 1910)

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