• 5 août 1392 : le roi Charles VI devient fou

    by  • 5 août 2013 • Jadis ou naguère • 0 Comments

    Charles VI devient fou dans la forêt du Mans, le 5 août 1392.

    Charles VI devient fou dans la forêt du Mans, le 5 août 1392.

     

    Extrait de L’Histoire de France pour les Nuls, éditions First, 2004.

     

    Le front breton se rallume contre le royaume de France en 1392. Sur le chemin qui le conduit vers le fief du révolté Jean IV de Montfort, Charles VI ne sait pas que la déraison s’est embusquée. Et l’attend…

    1392 : le roi n’est plus le roi

    En mars 1392, le roi est soudain pris d’un accès de fièvre. Les médecins appelés au chevet du malade s’inquiètent non de l’état physique de leur royal patient, mais de son état mental : en effet, il peine à retrouver sa raison, il délire encore alors que la fièvre est tombée, il semble entré dans un monde où il perd son identité. Ce n’est pas la première fois que Charles VI donne de telles inquiétudes à son entourage. Mais, d’ordinaire, tout rentre dans l’ordre, et on oublie bien vite ces étranges épisodes où le roi n’est plus le roi.

    5 août 1392 : « Noble roi, tu es trahi ! »

    La même année, le 13 juin 1392, un attentat est commis contre le connétable Olivier de Clisson qui, après un bal où il s’est beaucoup amusé avec Charles VI, rentre dans son hôtel du Marais à Paris. Charles VI arrivé sur les lieux est très impressionné par la vue du sang. Clisson est encore vivant et va se remettre rapidement, mais Charles VI est entré dans un état d’agitation tel qu’on lui conseille d’aller en Bretagne châtier le duc Jean IV. Celui-ci a permis l’évasion vers l’Espagne de Pierre de Craon, auteur de l’attentat contre le connétable. Le 2 août 1392, l’armée se met en route en direction de la Bretagne. Le 5 août, Charles VI et sa troupe traversent la forêt du Mans. Soudain, un vieillard à l’air étrange, en haillons, et qui sort d’une léproserie toute proche, court vers le roi qui est à cheval. Les hommes d’armes veulent l’écarter, mais le lépreux brandit sous le regard du roi ce qui reste de ses poings rongés par la lèpre, et il lui crie : « Noble roi, ne va pas plus loin ! Fais demi-tour,  tu es trahi ! »

    « Je suis livré à mes ennemis ! »

    Pendant de longues minutes, l’homme crie cette phrase de plus en plus fort, d’une voix caverneuse, effrayante, il accompagne le convoi malgré les efforts pour l’en écarter. Alors, tout à coup, le roi fixe ses yeux sur le visage du lépreux, une sorte de commotion le saisit. Au même instant, un page qui s’est endormi sur son cheval laisse tomber la lance royale. Elle va heurter une armure. Ce bruit provoque un terrible et inexplicable déclic dans la tête affolée du roi dont la raison s’effondre. L’incroyable survient : le roi tire son épée de son fourreau, il en transperce son homme d’armes qui meurt sur le coup. Puis il fait reculer son cheval, observe avec un regard fou son escorte terrifiée, et la charge au galop ! « Je suis livré à mes ennemis » ne cesse-t-il de crier. L’escorte se disperse pour éviter les coups meurtriers, mais le roi embroche quand même quatre hommes qu’il a poursuivis. Au bout d’une heure, son cheval est épuisé, son épée s’est brisée contre une armure. Il est descendu de sa monture, solidement attaché sur une civière, et le cortège lugubre et silencieux s’en va vers le Mans. Le roi est devenu fou !

    Le saviez-vous ?

    La schizophrénie de Charles VI

    Charles VI souffre de ce qu’on appelle aujourd’hui la schizophrénie. De sorte qu’il connaît, entre deux crises, des périodes de rémission où il se comporte tout à fait normalement. Mais lorsque la maladie le saisit, souvent à l’improviste, il ne reconnaît plus sa femme, ses enfants, se met à crier de façon horrible, déchire au couteau les tapisseries et tentures. Il refuse de se laver, jeûne plusieurs jours, puis se met à manger gloutonnement, de façon grotesque, animale. Il danse de façon obscène et affirme s’appeler Georges.

    Au bout de quelques années, Jean sans Peur a l’idée de placer auprès du roi fou une blonde, jeune et fort belle Bourguignonne : Odinette de Champdivers. Caressante et bonne, elle éprouve une immense tendresse pour son « roi fol » Elle lui apprend à jouer aux cartes, elle le soigne avec toutes sortes de doux remèdes ; elle tempère l’ardeur des médecins qui veulent à tout prix, régulièrement, inciser le cuir chevelu du malade afin d’en faire sortir le mal de la folie… Odinette tente aussi de convaincre Charles qu’il n’est pas de verre : c’est en effet une obsession pour lui ; il est persuadé que s’il tombe il va se briser en mille morceaux ; alors, il se barde d’attelles de fer sur tout le corps afin d’éviter la catastrophe qu’il redoute ! Tendre, Odinette donne aussi de l’amour au roi : un an après leur rencontre, naît leur fille qu’ils prénomment Marguerite. Pendant trente années, les crises vont se succéder, entrecoupées de longues périodes de rémission, de sorte qu’on peut imaginer qu’Odinette et Charles connurent une forme de bonheur intense et rare. Jusqu’en 1422. Cette année-là, le 21 octobre, meurt le roi fou.

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