• René Char, capitaine Alexandre…

    by  • 13 mai 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010 : 

    Au temps de la Résistance, René Char, c’est le capitaine Alexandre, chef de la section atterrissages-parachutages dans les Basses-Alpes. Au temps du surréalisme, le poète se fait Char d’assaut contre le Maldoror. Et sa poésie ? Entre violence et velours, elle évolue, libre, acrobate du sens, nef suspendue dans les grands airs de la modernité.

    Charlemagne plâtrier

    Sur les pentes herbeuses du Mont Ventoux, un enfant garde les moutons d’un paysan qui l’a recueilli. Ce petit berger est un enfant trouvé, nommé Magne, prénommé Charles, afin que tout cela fasse Charlemagne, pour rire un peu ! Soudain, deux loups surgissent, emportent une brebis. L’enfant est terrifié : son maître va encore le battre. Alors, il décide de s’enfoncer dans une grotte. Il y passe toute la nuit. Au matin, un homme le découvre : c’est le propriétaire de la carrière de plâtre où s’est réfugié Charles. Pris de pitié, l’homme offre à l’enfant de travailler pour lui. Charlemagne devient plâtrier, pour la vie. Charles Magne grandit, se marie. Son fils devient administrateur de la plâtrière. Il abrège le nom de son père Charlemagne en Char… Vous l’avez compris : René Char, le grand poète, est le petit-fils de Charlemagne !

    René casse tout

    René Char est né le 14 juin 1907, à l’Isle-sur-la Sorgue. Dix ans plus tard, son père meurt. L’enfant juge sa mère responsable de cette disparition brutale. Une violence sourde bouillonne alors en lui. Elle guide son écriture et sa vie. Ainsi, le 14 février 1930, lorsque le patron du bar de nuit Le Maldoror à Montparnasse voit arriver dans son établissement un colosse de 1,92 m qui commence à tout casser. C’est René Char que Breton et les surréalistes ont excité contre ce bar qui déshonore Lautréamont en délivrant sous le nom de Maldoror des « brevets de vampire permanent », notamment, il faut le dire pour tout comprendre, à Robert Desnos le haï… Char se bat comme un beau diable, reçoit un coup de couteau à l’aine ; heureusement, il s’en remet…

    L’économie du sens

    En 1935, Char rompt avec Paris et le surréalisme qui le fatiguent. Il regagne la Provence, y redécouvre une nature qui investit sa poésie, en tempère la violence sourde. À partir de 1940, il entre dans la Résistance sous le nom du capitaine Alexandre, chef de la section atterrissages-parachutages Région 2 dans le département des Basses-Alpes. Après la Libération, il collabore aux Cahiers d’Art, à d’autres revues, rencontre les peintres Matisse, Braque, Nicolas de Staël, Picasso, Giacometti. Sa poésie, étonnamment dense, défi constant à l’évidence trompeuse, à l’illusion, offre à travers l’alliance rare d’images simples, des perspectives où l’essentiel fait souvent l’économie des lenteurs du sens. René Char est mort à Paris le 9 février 1988.

    Plaisir de lire

     

    Pyrénées

     

    Montagne des grands abusés,

    Au sommet de vos tours fiévreuses

    Faiblit la dernière clarté.

     

    Rien que le vide et l’avalanche,

    La détresse et le regret!

     

    Tous ces troubadours mal-aimés

    Ont vu blanchir dans un été

    Leur doux royaume pessimiste.

     

    Ah! la neige est inexorable

    Qui aime qu’on souffre à ses pieds,

    Qui veut que l’on meure glacé

    Quand on a vécu dans les sables.

     

    René Char (1907-1988) in « Commune présence » Gallimard

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