• Papillon de Lasphrise, le coquin

    by  • 9 mai 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010 : 

    Malheur aux papillons qui traversent les champs de bataille : les Papillon, famille issue du Midi, ont été ruinés par les conflits religieux, ce qui ne les empêche pas de mettre au monde en 1555, près de Tours, un petit coquin de fils qu’ils prénomment Marc. Lorsqu’il prend son envol, le petit Papillon s’engage dans les armées catholiques et se bat où on l’envoie jusqu’en 1589. Entre deux coups de braquemart (épée courte datant du Moyen Âge), il chante à travers des centaines de poèmes ses fortunes de cœur, plus proches des hardiesses du voyeur que des illuminations du Voyant…

     

    Quel boute en train !

    Un boute en train, Papillon ! Un homme qui court la prétentaine, et le guilledou, avec bonne fortune si on en croit ses vers qui rapportent quelques-unes de ses amoureuses luttes. Certaines de ses compositions mettent en scène, par exemple, ses façons délurées d’approcher la beauté féminine, en catimini, sans que celle qui se dénude ne se doute de quoi que ce soit. C’est sa manière à lui, Papillon, de lutter contre l’amertume du temps, de ne pas glisser dans la désespérance. Approchez-vous de lui qui lorgne celle qu’il a par hasard aperçue, presque nue… et devenez vous aussi, le temps de deux quatrains, de deux tercets, un boute en train coquin…

     

    Plaisir de lire

    Je l’oeilladais mi-nue, échevelée

     

    Je l’oeilladais mi-nue, échevelée,

    Par un pertuis dérobé finement,

    Mon coeur battait d’un tel débattement

    Qu’on m’eût jugé comme en peur déréglée.

     

    Or’ j’étais plein d’une ardeur enflammée,

    Ore de glace en ce frissonnement.

    Je fus ravi d’un doux contentement,

    Tant que ma vie en fut toute pâmée.

     

    Là follâtrait le beau soleil joyeux,

    Avec un vent, zéphyre gracieux,

    Parmi l’or blond de sa tresse ondoyante,

     

    Qui haut volante ombrageait ses genoux.

    Que de beautés ! mais le destin jaloux

    Ne me permit de voir ma chère attente.

     

    L’or lève en ce pré…

    L’œuvre de Papillon de Lasphrise, ainsi nommé car il possédait le fief de Lasphrise en Touraine,  comporte plus de vingt mille vers. On y trouve les Amours de Théophile, où il célèbre Renée le Poulchre, jeune et belle pensionnaire dans un couvent du Mans hélas peu encline à l’étude documentaire de quelque lépidoptère que ce soit, même si dans les deux derniers vers d’un sonnet qui lui est adressé, elle peut reconnaître, deux fois anagrammé (lettres mélangées pour former de nouveaux mots), son nom : Orne ce pré elleu, L’or lève en ce pré… On y lit aussi L’Amour passionné de Noémie, prénom qui désigne celle qui ne fut point sourde aux charmes badins du butinage : Esther de Rochefort, dame de Chantosme. On trouve encore dans les œuvres du Papillon coquin un conte plutôt leste : La Nouvelle inconnue ; d’autres pièces encore plus lestes. Enfin, avant sa mort en 1599,  des pages bien sages, de poésie religieuse…

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