• Des nouvelles de Marie de France

    by  • 25 mai 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

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    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010.

    J’ai pour nom Marie, et je suis de France. Voilà pourquoi on appelle cette femme auteur qui vit, au XIIème siècle,  à la cour du roi Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine, Marie de France (vers 1170). Elle nous a laissé des lais qui sont des sortes de nouvelles écrites en vers, et qu’elle appelle les lais bretons. Que racontent-ils ? La douleur et les bonheurs des amours interdites, clandestines. Son écriture économe et poétique restitue l’émotion essentielle. Ainsi, dans le Lai du chèvrefeuille, en cent dix-huit octosyllabes, qui met en scène Tristan chassé de la cour du roi Marc pour être devenu l’amant de la reine Iseut.  Il erre dans la forêt où il espère rencontrer un jour son aimée kar ne pot lent vivre sansz li  – car il ne peut vivre sans elle. Tristan apprend qu’Iseut et la cour vont emprunter un chemin forestier. Il prépare une branche de coudrier, y inscrit son nom et la place sur le chemin que va emprunter la reine. Elle saura le reconnaître, il en est sûr, ils ont déjà utilisé ce signe secret… Voici la fin de ce lai en octosyllabes assonancés, la fin étrangement bouleversante et paisible : Ni vous sans moi, ni moi sans vous

    Ne vus sanz mei

    D’euls deus fu il (tut) autresi

    cume del chevrefoil esteit /

    ki a la codre se perneit:

    quant il s’i est laciez e pris

    e tut entur le fust s’est mis,

    ensemble poënt bien durer;

    mes ki puis les volt desevrer,

    li codres muert hastivement

    e li chevrefoil ensement.

    «bele amie, si est de nus:

    ne vus sanz mei, ne mei sanz vus!»

     

    Ni moi sans vous

     

    D’eux deux il en fut ainsi

    Comme il en est du chèvrefeuille

    Qui au coudrier se prend :

    Quand il s’est enlacé et pris

    Et tout autour du fût s’est mis,

    Ensemble ils peuvent bien durer ;

    Qui les veut ensuite désunir

    Fait tôt le coudrier mourir

    Et le chèvrefeuille avec lui.

    – Belle amie, ainsi est de nous :

    Ni vous sans moi, ni moi sans vous.

     

    Marie de France – Œuvres, XIIe siècle

    Marie de France

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