• Cendrars, le bourlingueur

    by  • 10 mai 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010 : 

    Pour Cendrars, l’écriture et l’aventure riment à la perfection…

    La Légende de Novgorod

    Cendrars ne s’appelle pas Cendrars, mais Frédéric Sauser. Il est né à La Chaux de Fonds, en Suisse, en 1887. Son pseudonyme est la contraction de braise et de cendres. Un petit rebelle, Frédéric, dans une famille où l’on se tire dessus, à vue, en transformant en balles ou lames les mots et les phrases. Bref, pour ce qui est de la communication, c’est la galère chez les Sauser ! Frédéric suit ses parents à Naples, puis en Égypte, en Angleterre, en Suisse, à Neuchâtel où tout le monde s’installe. Ses études de commerce terminées, il part pour la  Russie, en 1904. Tout en y poursuivant son apprentissage, il y fait imprimer, à quatorze exemplaires, son premier livre : La Légende de Novgorod. Il revient, veut se faire médecin, abandonne, s’établit à Paris, tombe amoureux de la belle Féla qu’il suit en Amérique où il écrit en 1912,  d’une seule traite et sans rature, Les Pâques à New York, poème en quatorze strophes, signé de braise et de cendre : Blaise Cendrars.

    Avec Sonia Delaunay

    Le voici de retour à Paris. Qui rencontre-t-il ? Picasso et Apollinaire entre autres qui se débattent dans leurs affaires de statues volées et de Joconde disparue. En 1913, avec le peintre Sonia Delaunay rencontrée chez Apollinaire, il réalise une œuvre étonnante sous la forme d’une affiche de deux mètres de haut et de trente-six centimètres de large, portant quatre cent quarante-cinq vers imprimés en caractères et couleurs différents, où l’on peut lire en même temps texte et images : La Prose du Transsibérien et de la Petite Jehanne de France, épopée des temps modernes, en chemin de fer à travers la Russie. Les vers y sont libres, la rime a pris ses quartiers de toutes les saisons, et le rythme s’invente à chaque ligne…

    Blaise Cendrars par Amadeo Modigliani, 1917

    Blaise Cendrars par Amadeo Modigliani, 1917

     

    Prose du Transsibérien

    En ce temps-là j’étais en mon adolescence

    J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance

    J’étais à 16 000 lieues du lieu de ma naissance

    J’étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares

    Et je n’avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours

    Car mon adolescence était si ardente et si folle

    Que mon cœur tour à tour brûlait comme le temple d’ Éphèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.

    Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.

    Et j’étais déjà si mauvais poète

    Que je ne savais pas aller jusqu’au bout. Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d’or,

    Avec les grandes amandes des cathédrales, toutes blanches

    Et l’or mielleux des cloches…

    Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode

    J’avais soif

    Et je déchiffrais des caractères cunéiformes

    Puis, tout à coup, les pigeons du Saint- Esprit s’envolaient sur la place

    Et mes mains s’envolaient aussi avec des bruissements d’albatros

    Et ceci, c’était les dernières réminiscences

    Du dernier jour

    Du tout dernier voyage

    Et de la mer…

     

    Blaise Cendrars – Prose du Transsibérien, 1913

     

    Du Brésil à la rue Dolent

    1914, c’est la mobilisation. Cendrars part à la guerre où il perd le bras droit en 1915, en Champagne. Édition, cinéma l’occupent jusqu’en 1924 où il part pour le Brésil. Il effectue aussi des séjours en Argentine, au Paraguay, au Chili, avant de se fixer à Aix-en-Provence, puis Paris. Il laisse de nombreux recueils de poèmes, des essais, des romans… Ce bourlingueur illuminé, flamboyant et magique, à l’éternelle cigarette au coin des lèvres, meurt d’une congestion cérébrale au 23 rue Jean Dolent à Paris, le 21 janvier 1961.

    Cendrars en œuvres

    1912 – Les Pâques à New York

    1913 – La prose du Transsibérien et la petite Jehanne de France

    1925 – L’Or, roman

    1926 – Moravagine – roman

    1945 – L’homme foudroyé – récits, poèmes, nouvelles

    1946 – La Main coupée – récits, poèmes, nouvelles

    1948 – Bourlinguer -récits, poèmes, nouvelles

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