Albane Gellé, poète : « Je, cheval »
by jjj • 29 mai 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

Je, cheval…
Un bruit de verre en elle
Laissez-vous aller dans ce poème d’Albane Gellé – née en 1971 à Guérande – où vous allez peut-être reconnaître cette « blonde aux yeux noirs en ses habits anciens » de Nerval, sans l’appareil classique de l’écriture, une blonde ici, ou brune peut-être, mélancolique et résignée. Les pages d’Albane Gellé disent le monde sans négociations indécises avec la rhétorique compassée, elles courent de façon directe au sujet principal avec ses suivants, verbes et compléments. Elle utilise des mots de tous les jours pour traverser les gués du sens, et, de rive en rive, vivre. Albane Gellé a écrit en 2004 : « Je, cheval », étonnante union par les mots entre la femme et la plus belle conquête de l’homme. Albane Gellé, cavalière, désarçonne et séduit par la belle simplicité de ses écrits.
Une femme…
une femme elle reste à la fenêtre elle ne
se jette pas par-dessus bord elle n’ouvre
pas elle regarde la vitre ou quelque chose
dehors derrière la vitre on n’en sait rien
elle ne dit rien de ce qu’elle voit est-ce
qu’elle voit seulement et puis son front
il est collé ça fait de la buée sur cette vitre
qui la sépare du monde
Albane Gellé, Un bruit de verre en elle, Inventaires invention, 2002, page 25
Marcher à côté
Marcher à côté, sur la route du retour, avec dans les oreilles le pas du cheval, qui va chaud dans le dos, tranquille, et respire. Aller chacun dans sa fatigue, la même, parmi les odeurs mélangées du cheval et de la pluie. Et ça ne le freine pas, toute cette eau qui tombe. Il va contre, il a de quoi. Libre enfin, il retourne à la terre, calme, il se roule, avant de se secouer se relever, debout comme un cheval.
Albane Gellé – Je, cheval, p. 15, éditions Jacques Brémond, 2007