• Mon rêve familier

    by  • 9 avril 2013 • Poème quotidien • 0 Comments

     

    Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

    D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,

    Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même

    Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

     

    Car elle me comprend, et mon cœur, transparent

    Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème

    Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

    Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

     

    Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.

    Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore

    Comme ceux des aimés que la Vie exila.

     

    Son regard est pareil au regard des statues,

    Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a

    L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

     

    Verlaine – Poèmes saturniens, 1866

     

     

    Paul Verlaine (Metz 1844-Paris 1896)

     

    Amoureux. Verlaine a toujours été amoureux de l’idée même de l’amour, sans jamais réussir à la conduire sur l’étroit sentier du bonheur. Amoureux de sa cousine Élisa Moncomble… frôlements de doigts, regards troublants, gestes équivoques sans doute, rendez-vous secrets, peut-être, peut-être plus encore, sait-on… Mais Élisa se marie à quelqu’un d’autre, attend un enfant. L’enfant naît, sa mère en meurt. Verlaine sombre. Son existence devient celle d’un naufragé qui s’accroche à la poésie, à la fée verte – l’absinthe –, à Rimbaud l’illuminé. Tant de beauté dans ses poèmes, tant d’horreur dans sa vie – violence contre sa femme Mathilde, contre sa mère… Verlaine des extrêmes. Pour nous, sa poésie. Tout le reste pour l’oubli.

     

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