Plein emploi pour le subjonctif
by jjj • 7 mars 2013 • Une règle par jour • 5 Comments
Extrait du « Petit livre de la grammaire facile » publié aux éditions First en août 2004.
Vous venez de vous dire : « Globalement, le subjonctif, je maîtrise… » Et pourtant, rappelez-vous, la semaine dernière, ou celle d’avant, vous avez hésité, c’était après « quoique… » ou après « bien que… », vous avez gauchement contourné la difficulté en shuntant la syntaxe, en la court-circuitant si vous préférez…
Et les métaphoriques fusées que vous aviez préparées dans votre intervention orale ont fait l’effet de pétards mouillés. Il eût pourtant fallu qu’elles pétassent pour qu’on vous fêtât. Oui, qu’elles pétassent ! Il n’était pas nécessaire que vous vous esclaffassiez, c’est tout à fait correct !
Pour que le doute plane, le subjonctif lui donne des ailes :
Le subjonctif est un mode verbal qu’on emploie chaque fois que le fait exprimé comporte un doute, une incertitude quant à sa réalisation.
Le subjonctif comporte quatre temps : le présent – que je prenne – , l’imparfait – que je prisse – , le passé – que j’aie pris – , et le plus-que-parfait – que j’eusse pris.
Exemples :
- Dans son roman « Une Adoration », Nancy Huston désire que le lecteur devienne juge (le lecteur ne l’est pas encore devenu, ce n’est pas sûr, donc on emploie le subjonctif : devienne)
- Son héros, Cosmo, aime que les foules soient séduites, qu’elles sachent apprécier son humour (soient et sachent sont suspendus dans l’incertain, on emploie le subjonctif)
- Parce que Johnny avait soixante ans, il fallait que chacun se sentît concerné, prît l’attitude de l’adorateur un peu naïf, et consentît à toute la comédie simpliste de la nostalgie. Mais tout le monde n’en avait pas forcément envie. (sentît, prît et consentît sont au subjonctif imparfait parce que ces trois actions ne se sont pas forcément réalisées)
- Tout a été fait pour séduire : le producteur a sollicité des romanciers afin qu’ils écrivent des textes de chansons, ambiance Johnny. Et ils l’ont fait ! Dans ce cas, le subjonctif présent, 3ème personne du pluriel, s’écrit et se prononce exactement comme l’indicatif présent 3ème personne du pluriel.
- Pour que les grosses motos fassent tomber les petites minettes dans les bras des pilotes, on les décore de chromes afin qu’il y ait quelque chose de brillant sur ce véhicule, à défaut de quelqu’un.
La ferme ! Le subjonctif s’emploie dans les propositions indépendantes lorsque le fait exprimé est suspendu dans sa réalisation, lorsque le doute plane : Que ce coq de basse-cour se taise enfin !
C’est un ordre ! On emploie le subjonctif lorsque le fait exprimé dans une proposition indépendante est en rapport avec un ordre : Le chanteur étant vraiment médiocre, que personne ne sorte avant d’avoir été remboursé.
En attendant qu’il vienne… Le subjonctif s’emploie dans les subordonnées de temps lorsque le fait qui y est exprimé n’est pas réalisé par rapport au fait de la proposition principale. Dans la phrase : En attendant qu’il vienne, elle dort, l’emploi du subjonctif vienne indique qu’il peut venir, mais aussi ne pas venir.
Subjonctif demandé… Les conjonctions ou locutions conjonctives de temps demandant le subjonctif sont : en attendant que, avant que, jusqu’à ce que.
Pas de subjonctif après « après que… » On ne devrait pas employer le subjonctif après la locution conjonctive « après que » puisque le fait qu’elle introduit est réalisé par rapport au fait de la proposition principale. Ainsi, la forme correcte est : Après que les invités en liberté conditionnelle sont arrivés, Lulu la Mitraille a allumé le barbecue et servi les petits jaunes.
But ! On emploie le subjonctif après les locutions conjonctives : pour que, afin que, de peur que, de crainte que, qui expriment une idée de but. Dans cette phrase, le verbe interrompre est conjugué au subjonctif présent : De peur que Justine n’interrompe son match faute de munitions, une cargaison de balles a été acheminée dans une petite camionnette ; c’est ce qu’on appelle des balles de break.
Le secret de la concession : On emploie le subjonctif après les locutions conjonctives ou conjonctions introduisant une idée de concession : bien que, quoique, malgré que (l’emploi de cette locution est cependant déconseillé par les puristes), sans que, loin que, si… que, quelque… que, pour … que, tout… que : Quoique l’arrêt de la production de la New Bettle berline soit décidé, le cabriolet est sorti en mai.
Pas de couac pour quoi que ! Quoique en un mot, ou quoi que en deux mots ? Lorsqu’on peut remplacer quoique par bien que, on l’écrit en un mot. Lorsqu’on ne peut effectuer cette substitution, on écrit quoi que (en deux mots). Un exemple pour quoique : Quoique (bien que) Lulu la Mitraille ait servi les pastis, l’ambiance demeure explosive. Un exemple pour quoi que : Quoi que tu penses de Lulu la Mitraille, ne le montre pas devant Nono le Flingo ! Un dernier exemple : Il ne faut pas faire confiance à Nono le Flingo, quoiqu’il soit calme et quoi qu’il dise !
Noël Proust Marcel : Parfois – mais c’est rare – on peut rencontrer, si le sens l’impose absolument, l’indicatif après bien que ou quoique. Pour cela, il faut que le fait exprimé ne possède pas le caractère d’improbabilité exigeant le subjonctif. Ainsi, dans la Recherche, Marcel Proust est heureux de partir pour le midi, mais il ajoute : … quoique cela me fera manquer un arbre de Noël.
Bonne manière : On emploie le subjonctif après les locutions de manière que, de façon que, introduisant une subordonnée de conséquence : Nous avons bâillonné le barde celte de manière qu’il ne nous casse plus les oreilles.
Parfois, on ne sait pourquoi, au lieu de « de manière que », on entend « de manière à ce que », locution à rallonges qui n’apporte rien de plus au sens, sinon une espèce d’inélégance.
Blaise Cendrars (1887 – 1961). Le subjonctif doit être utilisé dans les subordonnées de conséquence qui commencent par assez… pour que, trop… pour que, suffisamment… pour que : L’auteur de la « Prose du Transsibérien » est suffisamment persuasif pour qu’on le croie (qu’on croie est la 3ème personne du singulier du présent du subjonctif).
Frédéric Sauser (1887 – 1961) Lorsque dans la principale on a une forme négative ou une forme interrogative, on emploie le subjonctif dans la subordonnée de conséquence : Cependant, il n’est pas si persuasif qu’il parvienne à convaincre les Sibériens de l’avoir vu là-bas. Fut-il assez prudent ou assez fou pour qu’aucun de ses lecteurs ne s’aperçoive de rien ?
Fer à repasser : Lorsque la subordonnée de cause commence par non que, non pas que, on emploie le subjonctif : Cette nouvelle voiture ne nous plaît pas ; non que nous fassions preuve de mauvaise volonté, mais sa forme de fer à repasser ne fait pas assez « branché »
Pour peu que… On emploie le subjonctif dans les subordonnées de condition commençant par pour peu que, pourvu que : Pour peu qu’il réussisse à écrire quelques polars, il se prendra pour Simenon.
Puissant ou misérable ! On n’emploie pas le subjonctif après la locution conjonctive selon que : Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir (La Fontaine). La vie de l’élève est une impasse : selon qu’il obtient la meilleure ou la pire moyenne, il est traité de fayot par ses camarades ou de cancre par ses professeurs.
Avis de recherche : Dans une proposition subordonnée relative, on peut employer le subjonctif ou l’indicatif selon le sens qu’on veut produire. Dans : Je cherche un traducteur qui soit capable de décoder les propos étranges de cette actrice, on emploie le subjonctif « soit » car ce traducteur n’existe peut-être pas. Dans : Je cherche une traductrice fragile qui est habillée de vert, cette traductrice fragile existe, elle est habillée de vert, il ne reste plus qu’à la trouver. Si on utilise un subjonctif, on la rend improbable.
Désir et sentiment ! Lorsque dans la proposition principale est contenue une idée d’ordre, de désir, de sentiment, de souhait, de volonté, on emploie dans la subordonnée conjonctive, le subjonctif : Je veux que vous fermiez ce livre ! Je désire que vous m’apportiez mes chaussons et mon petit café noir ! J’aimerais que vous me disiez des mots doux ! Je souhaiterais que vous soyez plus tendre, que vous me prodiguiez des caresses géographiquement étendues ! Et moi, votre mari, j’ordonne que vous fassiez toutes ces choses aussi pour moi !
Concorde : L’emploi de l’imparfait du subjonctif est très simple. Il suffit de l’utiliser quand le temps de la proposition principale est au passé. Il s’agit alors d’une simple concordance des temps :
Si la principale est au présent, on met la subordonnée au présent : Je voudrais – présent du conditionnel – que vous compreniez – présent du subjonctif.
On peut aussi mettre la subordonnée au passé du subjonctif si le sens le demande : Je veux que vous ayez compris à la fin de cette page.
Si la principale est au passé, on met la subordonnée à un temps du passé : J’aurais aimé – passé du conditionnel – que vous comprissiez – imparfait du subjonctif. J’aurais préféré que vous eussiez compris – plus-que-parfait du subjonctif. J’eusse préféré – conditionnel passé 2ème forme – que vous eussiez compris – plus-que-parfait du subjonctif.
Mais l’emploi systématique du subjonctif imparfait après une principale au passé risque de faire un peu pédant.
Si dans une boucherie, vous dites, pourtant fort correctement :
J’aurais préféré que vous ficelassiez mon rôti, que vous découpassiez en tranches mon jambon, et que vous me servissiez le pâté avec un gant de plastique…
…on risque de vous regarder avec une perplexité inquiète à cause des subjonctifs imparfaits (et teintée de culpabilité rageuse à cause du gant…)
Pas difficile ! Pour conjuguer le subjonctif imparfait, il faut partir du passé simple de l’indicatif, et ajouter au radical suivi de la première lettre de la terminaison, les désinences suivantes : sse, sses, ât ou ît ou ût, ssions, ssiez, ssent.
Ex. : 1er groupe (marcher) : Je marchai – que je marchasse ; tu marchas – que tu marchasses ; il marcha – qu’il marchât ; nous marchâmes – que nous marchassions ; vous marchâtes – que vous marchassiez ; ils marchèrent – qu’ils marchassent.
2ème groupe (divertir) : Je divertis – que je divertisse ; il divertit – qu’il divertît, etc.
3ème groupe (pouvoir) : Je pus – que je pusse ; tu pus – que tu pusses ; il put – qu’il pût ; nous pûmes – que nous pussions ; vous pûtes – que vous pussiez ; ils purent – qu’ils pussent
Attention au chapeau ! La différence entre le passé simple de l’indicatif, 3ème personne du singulier, et l’imparfait du subjonctif, 3ème personne du singulier tient à l’accent circonflexe et au « t » pour les verbes du 1er groupe, et à l’accent circonflexe seulement pour les autres groupes :
Ce jour-là, Schumacher alla encore si vite qu’il gagna le Grand Prix. Quel ennui !
Nous aurions aimé que, ce jour-là, Schumacher n’allât pas si vite, il aurait perdu le Grand Prix. Quel bonheur pour Montoya !
En 2020, la compétition de Formule 1 fut supprimée parce qu’elle était tellement ennuyeuse que même les pilotes s’endormaient au volant.
En 2010, les téléspectateurs auraient aimé que la compétition de Formule 1 fût supprimée parce que, déjà, ils s’endormaient à la télécommande.
Le «Cinq sur cinq» :
Vous obtenez cinq sur cinq ? Mention très bien
Quatre sur cinq ? Mention assez bien
Trois sur cinq ? Mention passable
Deux sur cinq ? Alerte !
Un sur cinq ? Au feu !
Zéro sur cinq ? Sauve qui peut !
Quelle est la bonne réponse ?
1 – Vous mangez trop de gâteaux, il serait dommage que :
a – vous en pâtissez
b – vous en pâtissiez
c – vous en pâtîtes
2 – Nono le Flingo a encore raté sa cible
a – quoi qu’elle fût placée à deux mètres
b – quoi quelle fût placée à deux mètres
c – quoiqu’elle fût placé à deux mètres
3 – Monsieur, ce chapeau, il eût fallu que
a – vous le missiez
b – vous le mîtes
c – vous le mîtres
4 – L’humoriste ne fut pas très content : à la fin de son sketch, il eût aimé que les jeunes filles dans la salle :
a – pouffiassent de rire
b – pouffassent de rire
c – pouffîtes de rire
5 – Dédé la Trouscaille nous a servi les mergez
a – après que les autres invités soient partis
b- après que les autres invités sont partis
c- après que les autres invités partissent
Réponses : 1b – 2c – 3a – 4b – 5b
Enfoncez-vous bien ça dans la tête !
Le subjonctif s’emploie dès que le fait exprimé repose sur un doute.
trop dur votre quizz !
En y répondant plusieurs fois, il devient facile…
Pourriez-vous me dire si cette phrase est correcte:
» Elle était bonne, jusqu’à ce que, devenue célèbre, elle n’eût oublié ses vrais amis ».
Le « n' » n’y trouve pas son sens. « Elle était bonne, jusqu’à ce que, devenue célèbre, elle eût oublié (subjonctif plus-que-parfait) ses vrais amis. » est une phrase correcte selon la grammaire et le sens : on emploie le subjonctif après « jusqu’à ce que », et selon le sens, le « n' » introduit une idée de négation qui n’est pas logique.
Cordialement,
Jean-Joseph Julaud
Bonjour, Monsieur,
Soyez remercié de m’avoir aidée, je vous en suis infiniment reconnaissante.
Avec gratitude,
Danielle Marsault