• George Sand, quel homme !

    by  • 19 juin 2013 • Extraits • 0 Comments

    Demeure de George Sand à Nohant, dans l'Indre.

    Demeure de George Sand à Nohant, dans l’Indre.

     Extrait de La Littérature française pour les Nuls, éditions First, 2005.

    Lit-on encore George Sand aujourd’hui ? Sans doute, il faut l’espérer, car ce qu’elle a écrit est plein du charme des champs, du chant des petits oiseaux, et de bons sentiments. Évidemment, l’âpreté du quotidien, celle qui dépose au fond des mains des paysans le cal rugueux, et dans leurs bras l’exténuation des journées, n’est point exprimée. Le réalisme est obligé de faire ses choix…

    Plus de cent livres !

    Elle a beaucoup écrit, George Sand ! Et cela ne plaît pas à tout le monde, à Jules Renard, par exemple…

    La vache !

    Jules Renard, venez ici, immédiatement ! Ah, vous croyiez qu’on ne vous avait pas vu écrire ce petit papier que vous voulez passer en douce à la postérité ? Et qu’y lit-on ? Une méchanceté, une de ces pointes que vous savez si bien empoisonner ! Allez, au piquet, Jules Renard ! Et les mains derrière le dos, afin qu’il ne vous prenne pas l’envie d’en rajouter ! Ne vous retournez pas ! Ne jetez pas en douce à vos petits camarades écrivains des coups d’œil complices qui aggravent encore votre forfait ! Jules Renard, comment avez-vous pu écrire ceci, à propos de George Sand : C’est la vache bretonne de la littérature ! Vous vous croyez drôle ? Certes, elle a beaucoup écrit, beaucoup trop, selon certains, capable de vous boucler un roman en trois jours et trois nuits – quitte à le corriger ensuite pendant trois mois… ! Jaloux, Jules ?…

    La trilogie champêtre

    Soixante-dix-sept romans, dix-huit pièces de théâtre, vingt-six volumes de correspondance, des écrits politiques, critiques, autobiographiques… Qu’en reste-t-il ? Une trilogie de romans champêtres qui assurent à eux seuls aujourd’hui la gloire de George Sand.

    La Mare au diable (1846) : Germain, un laboureur, veuf avec trois enfants, s’en va chercher une nouvelle épouse dans le village voisin. Il est accompagné d’un de ses fils et de la jeune paysanne Marie qui se rend dans le même village afin d’y devenir servante de ferme. Déçu par cette nouvelle femme que son père lui avait conseillée, il va découvrir en Marie – déçue elle aussi par le grossier paysan qu’elle sert – l’épouse simple et courageuse dont il rêvait.

    La Petite Fadette (1849) : Landry et Sylvinet sont jumeaux. Landry et la petite Fadette, fille méprisée d’une pauvre femme, s’aiment, mais doivent cacher leur amour car Sylvinet pourrait en être jaloux ! Sylvinet découvre tout et s’en va le dire à son père qui refuse d’abord cette union. Puis l’accepte (c’est tout ? Oui…)

    François le Champi (1849). François est un enfant trouvé, recueilli par une pauvre femme. Une jeune meunière, Madeleine, tyrannisée par sa belle-mère, se prend d’affection pour l’enfant qui grandit, devient un bel adolescent. La maîtresse du meunier, Sévère, fait des avances à François qui les refuse. Quelques manigances de méchants esprits, et le voici exilé dans le village voisin, pour plusieurs années. Il n’oublie pas Madeleine, et revient vers elle pour l’épouser à la mort du meunier.

    Une maîtresse femme !

    Elle eut beaucoup d’hommes dans sa vie, la bonne dame de Nohant : Sandeau, Musset, Pagello, Mérimée, Chopin, et tant d’autres… Une belle galerie qu’elle eût pu transformer en passionnants portraits, tout en détails, de pied en cap… Aujourd’hui encore, elle aurait un succès fou !

    Jules Sandeau

    Évidemment, tout le monde sait que George Sand n’a pas mené la vie tranquille de la Madeleine, de la Petite Fadette ou de la petite Marie. Tout le monde a entendu parler de ses liaisons avec des hommes ou des femmes, qui ont tant scandalisé le bourgeois de la Monarchie de Juillet ! Il y eut François Casimir du Devant, saint-cyrien, qu’elle épouse à dix-huit ans – il en a vingt-sept. C’est seulement un bon parti. De ce mariage sans amour naissent deux enfants : Maurice (1823), Solange (1828) – peut-être la fille de l’amant de George : Stéphane de Grandsagne ! Il y eut Jules Sandeau dont elle fait son amant à vingt-six ans – il en a dix-neuf. Ils publient ensemble plusieurs livres. C’est l’époque où elle défraie la chronique avec l’actrice Marie Dorval – leur liaison fait sortir Vigny de ses gonds !

    Alfred de Musset et Pagello

    En 1833, elle fait la connaissance d’Alfred de Musset ! Leurs amours sont mouvementées. Elle-même raconte le séjour qu’ils effectuent à Florence, puis à Venise où une dysenterie la poursuit, gâchant la relation avec son amant – bientôt aussi malade qu’elle. Ce voyage à Venise, écrit par George Sand,  ressemble au pire des cauchemars ! George se console des infidélités et des beuveries d’Alfred dans les bras du bel et bon docteur Pagello. Retour en France. Elle accueille à Nohant le compositeur Franz Liszt et sa maîtresse Marie d’Agoult – non, non, il ne se passe rien entre eux…

    Une anecdote

    S’il eût pris la mer, j’aurais pris la montagne…

    Lors de leur voyage vers l’Italie, Sand et Musset rencontrent un personnage qui les étonne puis les irrite. Sur le bateau qui les conduit vers Avignon, il est d’une gaieté folle selon George Sand, s’enivre puis danse autour de la table avec ses grosses bottes fourrées, devient quelque peu grossier, et pas du tout joli. Musset a d’ailleurs laissé un dessin qui confirme l’aspect un peu grotesque de ce danseur éméché qui s’est moqué des illusions du couple sur l’Italie, assurant qu’ils en auraient vite assez ! George Sand ajoute : Nous nous séparâmes après quelques jours de liaison enjouée mais je confesse que j’avais assez de lui et que s’il eût pris la mer, j’aurais pris la montagne…” Elle précise encore : “C’est un homme d’un talent original et véritable mais écrivant mal. » Le nom de ce jovial voyageur ? Henri Beyle, dit Stendhal…

    Chip-Chip

    Et puis voici qu’entre en scène celui que George appelle Chip-Chip ! Qui donc ? Frédéric Chopin soi-même ! Il est tout naturel que George, descendante du roi de Pologne, soit sensible à l’exilé Frédéric, né à Zélazowa-Wola, près de Varsovie ! George prend grand soin de son Chip-Chip aux magnifiques yeux bleus, aux si belles main ! Grand compositeur, Chopin va demeurer dans le cœur de George jusqu’à cette dernière lettre qu’elle lui écrit, jusqu’à cette dernière ligne, le 28 juillet 1847 : Adieu mon ami ! Chopin meurt le 17 octobre 1849 – son cœur, tout imprégné de George, est conservé dans l’église Sainte-Croix de Varsovie, son corps est au Père-Lachaise.

    En route pour Nohant !

    Après Chopin, George devient sage, fait de son secrétaire, le graveur Alexandre Manceau son amant, vit le plus souvent à Nohant. Elle y accueille ses amis, divertit les enfants avec son théâtre de marionnettes – fabriquées par son fils Maurice – , se construit peu à peu cette image de la bonne dame de Nohant, écrit sans relâche, et meurt le 8 juin 1876, d’une occlusion intestinale, à soixante-douze ans. Flaubert, Alexandre Dumas Fils, le prince Napoléon, et toute la région environnante la conduisent à la dernière demeure qu’elle a choisie : le parc de ce qu’elle appelait sa modeste demeure : le château de Nohant (de Paris, prendre l’A20, direction Châteauroux, au niveau de Boislarge, prendre à gauche, direction Beaumont. Trente-deux kilomètres encore… Vous y êtes !)

    Le saviez-vous ?

    Pourquoi Sand ?

    George Sand est une femme, contrairement à ce qu’on pourrait penser en lisant son prénom, en découvrant d’elle des gravures où elle est habillée en homme – elle porte un pantalon et fume le cigare – , en trouvant dans les pages de Balzac ce jugement : « George Sand est un homme », et cet autre dans celles de Flaubert : « Il fallait la connaître comme je l’ai connue pour savoir tout ce qu’il y avait de féminin dans ce grand homme ! » Pourtant, elle est bien née femme : Aurore Dupin, au 15 de la rue Meslay, à Paris, le 1er juillet 1804. Son père, aide de camp du prince Murat, meurt en 1808, à la suite d’une chute de cheval. Elle est élevée dans la propriété familiale de Nohant qui appartient à sa grand-mère, fille naturelle du maréchal de Saxe, le vainqueur de Fontenoy, lui-même fils naturel du roi de Pologne – fils naturel de personne… Elle fait ses études dans un couvent, à Paris, jusqu’en 1820. D’où tient-elle ce pseudonyme : Sand ? De Jules Sandeau, son amant en 1830. Elle lui emprunte sa syllabe centrale – lui laissant les deux autres : Jules – eau…

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