Cors de chasse
by jjj • 8 janvier 2016 • Poème quotidien • 0 Comments
Cors de chasse
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d’un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun détail indifférent
Ne rend notre amour pathétique
Et Thomas de Quincey buvant
L’opium poison doux et chaste
À sa pauvre Anne allait rêvant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent
Guillaume Apollinaire – Alcools, 1913
Guillaume Apollinaire (Rome 1880-Paris 1918)
Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky… Un bonheur pour nous qu’il ait simplifié ce long patronyme ! Guillaume Apollinaire a beaucoup voyagé avant de se fixer à Paris : né à Rome, il commence ses études à Monaco, les poursuit à Cannes, les termine à Nice, séjourne avec sa mère à Stavelot en Belgique – elle se ruine au casino de Spa… Paris, enfin, en 1899. En 1901 et 1902, Apollinaire devient le précepteur de la fille de la vicomtesse de Milhau qui emploie également une gouvernante : Annie Playden. Guillaume au cœur tendre tombe amoureux d’Annie qui s’en méfie, et s’enfuit ! Grand malheur pour Guillaume qui écrit alors L’Adieu – grand bonheur pour nous, lecteurs…
L’adieu
J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps Brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends
Il y aura ensuite Marie Laurencin – pour elle : Le Pont Mirabeau –, il y aura Lou – pour elle cet acrostiche : Le soir descend / On y pressent / Un long destin de sang. –, il y aura Madeleine Pagès, Jacqueline Kolb… Il y aura la terrible blessure du 17 mars 1916 : un éclat d’obus dans la tempe – Apollinaire s’est engagé en 1914. Et puis la mort, de la grippe espagnole, en 1918. De cet ami de Max Jacob, de Picasso, du Douanier Rousseau, de Paul Léautaud, il nous reste Marie, mille autres poésies. La Poésie…