• La Jeune Tarentine

    by  • 4 août 2015 • Poème quotidien • 0 Comments

     

    La Jeune Tarentine, Alexandre Schoenewerk (1820 - 1885), musée d'Orsay

    La Jeune Tarentine, Alexandre Schoenewerk (1820 – 1885), musée d’Orsay, Paris.

    Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés,

    Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez.

    Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine.

    Un vaisseau la portait aux bords de Camarine.

    Là l’hymen, les chansons, les flûtes, lentement,

    Devaient la reconduire au seuil de son amant.

    Une clé vigilante a pour cette journée

    Dans le cèdre enfermé sa robe d’hyménée

    Et l’or dont au festin ses bras seraient parés

    Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés.

    Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles,

    Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles

    L’enveloppe. Étonnée, et loin des matelots,

    Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots.

    Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine.

    Son beau corps a roulé sous la vague marine.

    Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d’un rocher

    Aux monstres dévorants eut soin de le cacher.

    Par ses ordres bientôt les belles Néréides

    L’élèvent au-dessus des demeures humides,

    Le portent au rivage, et dans ce monument

    L’ont, au cap du Zéphir, déposé mollement.

    Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes,

    Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes,

    Toutes frappant leur sein, et traînant un long deuil,

    Répétèrent : « Hélas ! » autour de son cercueil.

    Hélas ! chez ton amant tu n’es point ramenée.

    Tu n’as point revêtu ta robe d’hyménée.

    L’or autour de tes bras n’a point serré de nœuds.

    Les doux parfums n’ont point coulé sur tes cheveux.

     

    André Chénier – Les Bucoliques, 1785-1787

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    Extrait de « La Petite Anthologie de la poésie française », éditions First, 2006 :

    André Chénier (Constantinople 1762-Paris 1794)

     

    De quoi était-il donc coupable, André Chénier, pour gravir les marches qui le conduisent à la guillotine, le 25 juillet 1794, vers quatre heures de l’après-midi ? Né à Constantinople, le 30 octobre 1762, fils de Louis Chénier, consul général de France, et d’Élisabeth Santi-Lomaca – orthodoxe et nourrie de culture grecque –, il a passé sa vie à écrire. Des poèmes imités de l’antique, admirés, inimitables ! Et puis, après s’être enthousiasmé pour la Révolution, il s’est emporté contre ses excès, à travers des écrits virulents. C’est là son crime !

    Les enragés de 1794 le font arrêter alors qu’il est revenu de son exil londonien. Emprisonné, il va avoir le temps de s’éprendre d’une beauté menacée elle aussi de décapitation – mais qui échappera au couperet – : Aimée de Coigny. C’est elle la jeune captive, son dernier amour. Déclaré prosateur stérile, André Chénier est guillotiné ! Le voici, en ces pages, afin que la mémoire collective ne lui réserve pas le même sort…

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