• Mendel et la génétique

    by  • 29 janvier 2017 • Jadis ou naguère • 0 Comments

    Johann Gregor Mendel (1822 - 1884)

    Johann Gregor Mendel (1822 – 1884)

     

    Article publié dans la revue du groupe de presse médicale Edimark

    Génétique

     

     

    2 décembre 1805. Napoléon, ses grognards, ses canons, ses ruses, son épilepsie et ses colères, arrivés depuis peu dans la région de Brno en Moravie, déploient vers dix heures du matin, dans la brume, des cris, des explosions, des hourras, des râles, des grouillis de chairs fumantes, des éclairs d’acier, dans le sifflement des trompettes de l’apocalypse, les roulements de tambour de la fin du monde… À seize heures, tout est consommé, la bataille d’Austerlitz est gagnée.

    Trente ans plus tard, dans un paysage de paradis terrestre, à une dizaine de lieues de l’enfer impérial, Anton Mendel, dans son verger tranquille aux branches parfumées de fleurs blanches, enseigne à son fils Johann l’art de l’ente, la pratique raisonnée de la greffe. Lui raconte-t-il ses souvenirs de guerre, lui qui vient de quitter l’armée ? Peut-être. A-t-il affronté l’Ogre corse aux grands bottes le 2 décembre 1805 ? Sans doute… L’humain, quelle brute ! Johann ne portera jamais le sabre ou la dague sur les champs de bataille, mais la serpette et le greffoir dans la paix végétale. Où ? Eh bien, sur les lieux mêmes où l’Aigle ou l’Usurpateur – c’est selon – prétendit conquérir le monde : à Brno – Brünn en ce temps-là -, dans le monastère Saint-Thomas.

    Où plurent les boulets de canon, Johann qui a pris le prénom de Gregor, s’intéresse aux petits pois !

    Des petits pois lisses. Des petits pois ridés… On se rappelle tous avoir senti près de soi la présence enquêtrice de Mendel pendant les cours lycéens de botanique, on aime se souvenir de l’entrée progressive dans ses expériences sur les lois de l’hérédité, comme s’il les réalisait pour la première fois sous nos yeux : on croise les petits pois lisses et les petits pois ridés. Miracle : leur descendance s’affiche avec une régularité de balancier déhanché qui privilégie les caractères dominants et laisse aux récessifs la portion congrue… Et tout cela se déroule avec une rigueur mathématique qui a laissé sceptiques, voire goguenards les scientifiques de l’époque – Mendel n’aurait-il point ajusté les résultats à sa thèse pour être crédible ?

    Peut-être. Peut-être pas. Toujours est-il qu’en son temps, on ne le crut pas. Sa théorie va s’endormir jusqu’à ce qu’en 1902, l’Américain Walter Sutton démontre que Mendel avait raison. Il réveille en quelque sorte la princesse aux petits pois…

    Tout s’emballe ensuite. L’hérédité, mendélienne ou non, fait son entrée dans le XXe siècle, s’habille de mots tout neufs : chromosome, mitose, méiose, et, pour l’unité de base de l’hérédité, le gène, terme créé en 1909 par le Danois Wilhelm Johannsen, après que fut apparu en son sens actuel, le mot « génétique », sous la plume et le savoir du biologiste anglais William Bateson le 18 avril 1905.

    « Génétique »… le meilleur hommage qu’on puisse rendre à ce terme, c’est d’en explorer les gènes, les chromosomes, les mitoses et les méioses, bref, les racines, les avatars et même la parentèle. Jusqu’où ? Jusqu’à sa naissance. Naissance ? Génétique ? Ces deux mots possèdent le même très lointain ancêtre indo-européen : la racine « gen », « gne » qui, pour « naissance » a évolué en « gnasci », « nasci », « naître ». De « gen » sont nés aussi les gens, le gendre, la génération, la genèse, le génie et l’ingénieur, le gentilhomme et la progéniture…

    Les prénoms « Eugène » – le bien né, en grec -, « Nathalie » – naissance, en latin -, et son diminutif russe « Natacha » comportent dans leur acide désoxyribonucléique la racine « gen ». Nation, nature ? Aussi. Et, pour les amateurs de rock progressif, le groupe Génésis ? Pareil…

    Et l’amour, dans tout cela ? Les temps sont proches peut-être où une jeune fille, émue par l’esthétique conquérante d’un prétendant porteur d’une puce intégrée, s’exclamera : « Quel beau génome ! »

    Ils se marieront, vivront heureux, auront beaucoup d’enfants tout lisses d’abord, puis ridés… Nul n’échappe aux lois de la génétique, aux hasards de l’hérédité. Mystères de la vie.

     

    Jean-Joseph Julaud

     

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