• L’ « humble » tonnelle de Verlaine

    by  • 17 mai 2016 • Poème quotidien • 0 Comments

    Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle...

    Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle…

    Extrait de La Poésie française pour les Nuls, éditions First, 2010.

    Tout est délicat, précieux, élégant et fin dans l’écriture de Verlaine. L’évocation se construit parfois sur une sorte de mise en retrait du réel, sur son atténuation par l’emploi de mots qui eux aussi semblent s’effacer pour ouvrir le chant et le champ libre aux sensations. Observez en lisant ce sonnet parfait les mots qui mettent en retrait les choses, dans une sorte d’humilité nécessaire à la perception de l’au-delà de leur image : la porte est « étroite », elle « chancelle », le jardin est « petit », le soleil est celui du « matin », il éclaire « doucement », « pailletant » chaque fleur d’une étincelle atténuée, « humide » ; la tonnelle est « humble », la vigne est « folle », les chaises sont d’un bois souple, tendre, le « rotin », le murmure du jet d’eau est « argentin », et le tremble, cet arbuste aux feuilles frissonnantes, émet sa « plainte » ; l’oiseau, l’ « alouette » est infime dans le bleu du ciel, et le plâtre de la statue « s’écaille »…

     

    Après trois ans

     

    Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,

    Je me suis promené dans le petit jardin

    Qu’éclairait doucement le soleil du matin,

    Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.

     

    Rien n’a changé. J’ai tout revu : l’humble tonnelle

    De vigne folle avec les chaises de rotin…

    Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin

    Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.

     

    Les roses comme avant palpitent ; comme avant,

    Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,

    Chaque alouette qui va et vient m’est connue.

     

    Même j’ai retrouvé debout la Velléda,

    Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,

    –        Grêle, parmi l’odeur fade du réséda.

     

    Paul Verlaine – Poèmes saturniens, 1866

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