Pierre Drachline ; photo Sandrine Rotil-Tiefenbach

Extrait de La Littérature française illustrée pour les Nuls, 2006

Pierre Drachline

Une si douce impatience – Flammarion 2006 – p. 70 et 71

Le héros de Pierre Drachline est mort, mais sa verve drolatique, son humour noir survivent dans… les ténèbres de son cercueil. Écouter son monologue est un délice.

On se construit en définitive avec la nostalgie de ce que l’on n’a pas pu vivre. L’inaccessible frontière au-delà de laquelle l’appel d’air de la liberté griserait même les âmes les plus éteintes. Les révoltes pourrissent dès qu’un pouvoir les nomme révolution. Les chaînes poussent aux hommes plus naturellement que toute pilosité.

Des mythologies, j’en ai façonné des milliers à partir d’un rien. Une silhouette. Un sourire. Des larmes. De minuscules détails sans importance pour qui ne peut voir la beauté sous l’ordinaire apparence. La suite venait d’elle-même. L’imagination assurait l’intendance. Elle m’autorisait toutes les ratures. Je recommençais à dessiner les contours de mon délire autant de fois qu’il le fallait sans être lesté d’une quelconque logique.

Que serais-je devenu sans ces contrepoisons ? Aurais-je pu résister à la tentation de m’exclure au plus tôt de la partie ? J’envie parfois les internés volontaires. C’est le monde extérieur qui est enfermé. Et non eux.

Clés pour comprendre

• Que reste-t-il quand tout est dit ? Tant de mots demeurent encore, qui révèlent de soi la version expurgée. Sincérité, émotion, élégance et humour, la vie en ses ultimes pirouettes, pour rire et s’attendrir.

Marques de fabrique

• La phrase est courte, claire et subtilement précise – le sens qu’elle délivre multiplie ses effets, cerne au plus précis la vérité, croque avec une gourmandise amusée des portraits colorés.