Introduction

Vous aimez Baudelaire, vous aimez Verlaine, vous adorez Rimbaud, vous idolâtrez Hugo, Lamartine vous tire des larmes, Nerval vous intrigue, Apollinaire irrigue vos petits déserts quotidiens ; vous voici avec lui traversant en roulotte, un village endormi dans les vignes rhénanes et le soleil de mai. Plus loin, quelque forêt se dessine ; l’on y voit un homme cheminant près d’une amoureuse déesse, elle s’inquiète de sa détresse ; et cet homme égaré qui ne sait où il va, c’est le petit-fils d’un roi, prisonnier des Anglais pendant plus de vingt ans : Charles d’Orléans. Des arbres encore, la nuit, un petit faon perdu… Et sous la lune, avec Maurice Rollinat, depuis votre enfance et par cœur, la biche brame…

Mallarmé l’énigmatique, Vigny l’émouvant, Gautier l’impeccable, Villon le voyou, Lamartine le romantique… Vous les connaissez, oui, on vous en a parlé, cela fait, voyons… des ans et des ans ! Et depuis ? La vie, ce tamis à soucis qui vous secoue sans cesse, a considéré dans son voyage la poésie comme un excédent de bagage. Voilà pourquoi le Baudelaire d’Elévation, Verlaine et ses violons, le Hareng saur de Cros, le combat de Michaux, l’oiseau de Prévert, la biche qui brame, la rapsode de Corbière, le vin d’Apollinaire et les amis de Rutebeuf, les relire, vous n’avez pu. Ou, plus sûrement, jamais ou presque vous ne les avez lus !

Qu’importe puisque, en ce moment précieux où vous lisez ces lignes, vous parvenez à l’orée de la beauté ! Exilez dans l’instant, hors de vos frontières, le tamis de vos soucis et tout son tintamarre. Qu’un silence d’azur s’installe en vous, un rien solennel, et que les pages les plus belles que voici, or et diamants de poésie, gagnent la place qui depuis longtemps, en vous, les attend. Ainsi disposées, au plus haut de vous-même, vous saurez où les retrouver dès que, le bagage des jours retrouvé, vous aurez besoin d’un refuge. Sûr et doux, cadencé, harmonieux et berceur, coloré, malin et charmeur, parfois plaintif, souvent rêveur, plein d’amour et de vie : la poésie.

Jean-Joseph Julaud