• Madame Bovary (2)

    by  • 8 juillet 2014 • Extraits • 1 Comment

     

    Manuscrit de Madame Bovary

    Manuscrit de Madame Bovary

    Le gueuloir

    Chaque phrase de Madame Bovary est testée par Flaubert, testée de façon sonore : dans son bureau, il ne dit pas ce qu’il vient de tracer sur sa page, il le crie, ou plus exactement, selon le terme qu’il emploie lui-même, il le gueule ! D’où ce nom qu’il donne à sa forge d’écriture : le gueuloir ! Ses amis, Albert Le Poittevin – mort en 1848 -, Maxime du Camp et Louis Bouilhet en sont des familiers. Ces deux derniers y ont notamment entendu – gueulée – La Tentation de Saint Antoine (1849)…

    Ce livre me tue !

    Dieu ! que ma Bovary m’embête ! J’en arrive à la conviction quelquefois qu’il est impossible d’écrire (lettre à Louise, 10 avril 1853) ; ce livre me tue ; je n’en ferai plus de pareils. les difficultés d’exécution sont telles que j’en perds la tête dans des moments. On ne m’y reprendra plus à écrire des choses bourgeoises (lettre à Louise, 16 avril 1853). J’ai la gorge éraillée d’avoir crié tout ce soir en écrivant, selon ma coutume exagérée (lettre à Louise 26 avril 1853). Ce livre, quelque bien réussi qu’il puisse être, ne me plaira jamais. Maintenant que je le comprends bien dans tout son ensemble, il me dégoûte (lettre à Louise 25 octobre 1853) ; J’ai un passage de transition qui contient huit lignes, qui m’a demandé trois jours, où il n’y a pas un mot de trop, et qu’il faut pourtant refaire encore, parce que c’est trop lent ! (lettre à Louise, 2 janvier 1854).

    Dans l’intimité des écrivains

    Rupture, procès, succès

    Flaubert travaille trop ! Louise voudrait le voir plus souvent ! Flaubert refuse. Louise insiste. Flaubert se fâche. Louise décide de venir à Croisset. Non ! Surtout pas ! Maman Flaubert ne le supporterait pas ! La solution ? La rupture ! La dernière lettre de Gustave à Louise, de Louise à Gustave date de 1855. Cette année-là, Flaubert s’installe au 42 boulevard du Temple où il passera quelques mois ou quelques semaines chaque année. En 1856, le roman est terminé. Il commence à paraître en feuilleton dans La Revue de Paris, sous le contrôle de l’ami Maxime du Camp qui en supprime certains passages jugés osés. Flaubert en est meurtri.

    Il n’en a pourtant pas terminé : la justice, elle aussi trouve que certaines pages portent atteinte aux bonnes mœurs. Flaubert comparaît au tribunal correctionnel pour outrage à la morale publique et religieuse ! L’avocat Sénart obtient l’acquittement, mais, pour Flaubert, le coup est rude ; Il décide de ne plus rien écrire – pas pour longtemps : dès septembre 1857, il commence la rédaction de Salammbô ! Cependant, le scandale porte ses fruits : les quinze mille exemplaires de Madame Bovary sont vendus en quinze jours ! Aujourd’hui, des millions d’exemplaires de Madame Bovary sont répandus à travers le monde. Et dans le dictionnaire, avez-vous remarqué ce mot : bovarysme ?…

    Ce que j’ai juré, gâché de papier…

    J’ai passé deux exécrables journées, samedi et hier. Il m’a été impossible d’écrire une ligne. Ce que j’ai juré, gâché de papier, et trépigné de rage, est impossible à savoir ! J’avais à faire un passage psychologico-nerveux des plus déliés, et je me perdais continuellement dans les métaphores, au lieu de préciser les faits. ce livre qui n’est qu’en style, a pour danger continuel le style même (lettre à Louise, 23 janvier 1854) ; J’en suis maintenant aux deux tiers. je ne sais plus comment m’y prendre pour éviter les répétitions. la phrase la plus simple comme « Il ferma la porte », « Il sortit », exige des ruses d’art incroyables. Il s’agit de varier la sauce continuellement avec les mêmes ingrédients (lettre à Louise, le 19 mars 1854).

    J’ai vomi tout mon dîner…

    Je vais bien lentement. je me fous un mal de chien. Il m’arrive de supprimer au bout de cinq ou six pages des phrases qui m’ont demandé des journées entières. Il m’est impossible de voir l’effet d’aucune avant qu’elle ne soit finie, parachevée, limée. C’est une manière de travailler inepte, mais comment faire ? (lettre à Louise, 6 juin 1855) Quand j’écrivais l’empoisonnement de Madame Bovary j’avais si bien le goût de l’arsenic dans la bouche, j’étais si bien empoisonné moi-même que je me suis donné deux indigestions coup sur coup, – deux indigestions réelles, car j’ai vomi tout mon dîner (lettre à Hippolyte Taine, le 20 novembre 1866).

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    One Response to Madame Bovary (2)

    1. gabriela
      6 août 2014 at 22 h 33 min

      genial.merci

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