• La dictée : « Veines ou déveines de Vannes »

    by  • 23 juin 2014 • Les dictées JJJ • 2 Comments

    Anne de Bretagne (médaille réalisée pour son séjour à Lyon en 1499)

    Anne de Bretagne (médaille réalisée pour son séjour à Lyon en 1499)

    Dictée pour les Nuls, donnée au salon du livre de Vannes le samedi 21 juin à 10h30.

    Veines ou déveines de Vannes

    Quelque peu argotique, ce titre, avez-vous dû penser à l’instant ! Certes, mais il est des plus difficile de résister à une paronomase aussi peu coruscante dont la concurrente, fondée en l’occurrence sur l’homonymie, « Ouvrons les Vannes » n’eût pas valu mieux !

    Veines ou déveines, les événements qui se sont succédé ici au fil des âges ? C’est vous qui allez en décider tout en remarquant, à travers cette proposition honnête, une façon tout habile de ne pas pousser la dictée pour les Nuls vers de périlleuses compromissions, quelles qu’elles soient.

    Évoquons d’abord les Romains qui, en – 56, au large de la presqu’île de Rhuys, se sont plu à lancer leurs galères contre les navires à voile des Vénètes. Ceux-ci ne se sont pas ressentis de l’assaut tant que les rafales de galernes endiablées ont favorisé la manœuvre. Mais, face aux Romains, les vents se sont obstinés à retenir leur souffle ! Toute la flotte vénète est tombée à l’eau, et les sénateurs se sont laissé exécuter. Opprobres entés dans l’Histoire ? Échappatoire momentanée ? À vous de juger.

    Frémissons d’inquiétude maintenant, en évoquant en même temps le décès à Marzan de Jean 1er, duc de Bretagne, en mille deux cent quatre-vingt-six, et le terrible séisme qui détruisit Vannes la même année. L’un est-il la conséquence de l’autre, et vice versa ? Non, a priori ; mais sachant qu’un tremblement de terre de la même ampleur peut se déclencher de nouveau, ici, n’importe quand, nous nous sommes discrètement renseignés sur l’état de santé des ducs bretons survivants : à l’heure qu’il est, ils sont tous bien portants…

    Enfin, venons-en à l’année 1532, lorsque s’est réalisée à Vannes l’union de la Bretagne à la France en présence du roi François 1er. Bretonne par ses ascendants paternels, Espagnole par son aïeule maternelle, Navarraise par l’une de ses grands-mères, Française par l’autre, Russe dans la lignée d’Anne de Kiev, Béarnaise par son grand-père maternel Gaston de Foix, Anne de Bretagne, courageuse et lucide, disparue alors depuis quelque dix-huit ans, avait tout tenté pour éviter cette issue. Aujourd’hui, peut-on dire qu’elle a éminemment échoué ? Pas si sûr…

    Jean-Joseph Julaud

     

    Correction de la dictée pour les Nuls

    Salon du livre de Vannes

    Samedi 21 juin 2014

     

     

    Veines ou déveines de Vannes

     

    Quelque peu argotique, ce titre, avez-vous penser à l’instant !

     

    Avez-vous dû : devoir au participe passé masculin singulier prend un accent circonflexe.

     

     

     

    Certes, mais il est des plus difficile de résister à une paronomase aussi peu coruscante

    Des plus difficile : avec des plus l’adjectif se met au pluriel… sauf s’il renvoie, comme ici, à un pronom personnel neutre (il, c’) ou à un infinitif.


     

    coruscante : l’adjectif coruscant  signifie brillant.

     

     

     

    dont la concurrente, fondée en l’occurrence

     

    occurrence : deux c, deux r

     

     

     

    sur l’homonymie, « Ouvrons les Vannes » n’eût pas mieux valu !

     

    Ouvrons les Vannes (les Vannes dans l’Histoire) ou bien Ouvrons les vannes (les vannes de l’Histoire) ; majuscule et minuscule sont acceptées.

     

    n’eût pas mieux valu : conditionnel passé 2e forme, accent circonflexe sur l’auxiliaire avoir : eût

     

     

     

    Veines ou déveines, les événements qui se sont succédé ici au fil des âges ?

     

    Le participe passé succédé est toujours invariable : il ne peut avoir de complément d’objet direct.

     

     

     

     

    C’est vous qui allez en décider tout en remarquant à travers cette proposition honnête une façon tout habile de ne pas pousser la dictée pour les Nuls

     

    une façon tout habile : une façon complètement habile, tout est ici adverbe invariable.

     

    la dictée pour les Nuls, majuscule ou non à dictée, mais majuscule obligatoire à Nuls.

     

     

     

     

    vers de périlleuses compromissions, quelles qu’elles soient.

     

    quelles qu’elles soient : qu’elles soient (n’importe les)quelles.

     

     

     

    Évoquons d’abord les Romains qui, en – 56,

     

    les Romains, majuscule à Romains.

     

     

     

    au large de la presqu’île de Rhuys, se sont plu à lancer leurs galères contre les navires à voile des Vénètes.

     

    Les Romains (…) se sont plu à lancer : plu, participe passé du verbe plaire, ne peut avoir de complément d’objet direct, il demeure donc invariable.

     

     

     

    Ceux-ci ne se sont pas ressentis de l’assaut

     

    Se ressentir de est un verbe faussement pronominal (comme s’apercevoir que, se douter de…) ; le participe passé dans ce cas s’accorde avec le sujet.

     

     

     

    tant que les rafales de galernes endiablées ont favorisé la manœuvre.

     

    Le nom galerne, terme d’origine gauloise, désigne un vent du nord-ouest qui souffle en rafales et en Bretagne (bel exemple de zeugma, n’est-ce pas ?).

    On parle du vent de galerne ou de la galerne.

    Garlernes étant du genre féminin, on accorde donc endiablées ici au féminin pluriel.

     

     

     

    Mais, face aux Romains, les vents se sont obstinés à retenir leur souffle !

     

    s’obstiner est un verbe essentiellement pronominal, son participe passé, dans ce cas, s’accorde avec le sujet : les vents se sont obstinés.

     

     

     

    Toute la flotte vénète est tombée à l’eau, et les sénateurs se sont laissé exécuter.

     

    Les sénateurs ont laissé quoi ? Ils ont laissé exécuter. Exécuter est le complément d’objet direct du verbe laisser. Puisque ce COD est placé après le participe passé laissé, on n’accorde pas.  Le COD du verbe exécuter est le pronom personnel se qui remplace les sénateurs.

     

     

    Opprobres entés dans l’Histoire ?

     

    Le mot opprobre qui signifie honte est du genre masculin. Entés est le participe passé du verbe enter qui signifie greffer. Histoire peut prendre ou non une majuscule.

     

     

    Échappatoire momentanée ? À vous de juger.

     

    Échappatoire est du genre féminin ; momentanée s’accorde donc au féminin.

     

     

    Frémissons d’inquiétude maintenant, en évoquant en même temps le décès à Marzan de Jean 1er, duc de Bretagne en mille deux cent quatre-vingt-six et le terrible séisme qui détruisit Vannes la même année.

     

    Marzan, ici, tout le monde connaît…

     

    Mille deux cent quatre-vingt-six : traits d’union au-dessous de cent.

     

    Les adjectifs numéraux cardinaux sont invariables, sauf vingt et cent qui prennent un s s’ils sont multipliés mais non suivis d’un autre adjectif numéral cardinal : deux cents, quatre-vingts, deux cents millions (millions n’est pas un adjectif numéral, c’est un nom commun).

     

     

    L’un est-il la conséquence de l’autre, ou vice versa ?

     

    Vice versa, avec ou sans trait d’union.

     

     

    Non, a priori ;

     

    a priori : pas d’accent sur le a.

     

     

     

     

    mais sachant qu’un tremblement de terre de la même ampleur peut se déclencher de nouveau, ici, n’importe quand, nous nous sommes discrètement renseignés

     

    nous nous sommes renseignés : nous avons renseigné qui ? nous, complément d’objet direct placé avant le verbe. On accorde donc renseignés au pluriel.

     

     

    sur l’état de santé des ducs bretons survivants : à l’heure qu’il est, ils sont tous bien portants…

     

    bretons, ici adjectif, ne prend pas de majuscule.

     

     

     

    Enfin, venons-en à l’année 1532, lorsque s’est réalisée à Vannes l’union de la Bretagne à la France en présence du roi François 1er.

     

    Lorsque s’est réalisée l’union, le sujet est inversé : lorsque l’union s’est réalisée. Le participe passé réalisée, conjugué avec l’auxiliaire être s’accorde avec le sujet union.

     

     

    Bretonne par ses ascendants paternels, Espagnole par son aïeule maternelle, Navarraise par l’une de ses grands-mères, Française par l’autre, Russe dans la lignée d’Anne de Kiev, Béarnaise par son grand-père maternel Gaston de Foix, Anne de Bretagne, courageuse et lucide, disparue alors depuis quelque dix-huit ans, avait tout tenté pour éviter cette issue.

     

    Majuscule à Bretonne qui commence la phrase. Pour les autres noms (ou adjectifs) de nationalités, majuscule ou minuscule.

     

    Quelque : signifiant « environ », il est adverbe et demeure donc invariable.

     

     

    Aujourd’hui, peut-on dire qu’elle a éminemment échoué ? Pas si sûr…

     

     

    Éminent donne l’adverbe éminemment (…emment issu du…ent de l’adjectif).

     

    Classement :

     

    1 – Henri Le Guen

    1 – Roger Tuffigo

    3 – Maryvonne Soudy

    4 – Anaïs Ngo

    5 – Anne-Solène Roche

    6 – François Jézéquel

    7 –  Marie-Claire Le Guen

    7 – Amélie Charles

     

     

     

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    2 Responses to La dictée : « Veines ou déveines de Vannes »

    1. Maryvonne Soudy
      23 juin 2014 at 8 h 35 min

      Ah ! quel plaisir d’avoir à affronter ces participes passés de verbes pronominaux, et autres « tout » ou « quelque » employés comme adverbes !
      En revanche, je savais bien que j’aurais dû réviser le genre des noms : je suis tombée sur « opprobres » ! Honte sur moi !
      Pour les mots indiquant les différentes origines de notre Anne, je persiste à penser que la minuscule s’impose : adjectifs mis en apposition, donc avec minuscules, plutôt que noms qui eussent exigé la majuscule… Mais, j’ai bien lu : on a accepté les deux !
      Merci à JJJ de nous concocter ces textes succulents, farcis d’histoire en plus !
      A l’année prochaine : avec les cadeaux que j’ai gagnés (« Ciel ! ma dictée » et « Exercices d’orthographe pour les nuls »), je devrais progresser, par Toutatis !

      • jjj
        23 juin 2014 at 16 h 01 min

        Chère Madame,
        Merci et bravo !
        Ce fut un grand plaisir pour moi aussi de retrouver des candidats de l’an dernier, d’en découvrir de nouveaux et de partager, avec vous tous, ces moments de bonheur autour de la langue française qui, de nouveau, a fait sa coquette avec ses exceptions et ses pièges ; mais peut-on vraiment s’en plaindre quand on sait prendre conscience des incalculables bénéfices qu’elle nous procure au quotidien, tenant à notre disposition, jour et nuit, nuance, finesse, souplesse, tout pour offrir à la communication ce tour si agréable qui a fait sa réputation.
        Vous avez terminé dans le peloton de tête, je suis certain que l’an prochain vous vous situerez en tête du peloton de tête…
        Bien cordialement,

        Jean-Joseph Julaud

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